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Les Huguenots était un projet de web-série auquel j’ai participé activement du temps de mes études de théologie (2012-2017).
Cette semaine j’ai eu un petit élan de nostalgie. Je retourne donc sur cette expérience éphémère, mais qui laisse imaginer de beaux projets à venir.
Un peu d’histoire
Initialement, le projet est né d’une initiative du groupe « susciter des vocations » dans l’EERV. L’idée était de produire quelques vidéos qui devaient donner envie de faire des études de théologie.
Le but était de s’inspirer de projets de web-série comme le cathologue. Il y avait aussi un peu de Kaamelott dans nos esprits au moment d’écrire tout cela.
Alice Corbaz (Amélie), Guillaume Favrod (Gaston), Sébastien Cornioley (réalisateur) et moi-même (John) étions au coeur de ce petit projet. Nous avions un lien institutionnel avec l’EERV via le pasteur Jean-Marc Savary, qui avec Etienne Guilloud, a aussi contribué à l’écriture d’une partie des épisodes. On n’oubliera pas non plus Noriane Rapin et Sylvain Corbaz qui, à des moments clefs, on contribué à la réalisation de la série.
La collaboration au sein de l’équipe pour ces premières vidéos était très chouette. On avait envie de continuer et de raconter un peu plus l’histoire des nos protagonistes.
Ceci nous a mené finalement à produire 18 épisodes sur 3 saisons. Nos personnages partaient du moment des études (saison 1), discernaient leur vocation (saison 2) et l’éprouvaient sur le terrain (saison 3).
Cette série comporte quelques maladresses et quelques clichés, mais je reste fier et heureux d’avoir pu contribuer à cette petite aventure.
Gérer le cap
Initialement il fallait juste constituer trois vidéos pour une journée d’Eglise. C’était ce pourquoi on nous avait interpellé. Mais lorsqu’on a voulu continuer, l’objectif initial s’est un peu perdu.
Les « Huguenots » devaient être un support pour stimuler les vocations. L’objectif était un peu foireux à la base… comment aurions-nous pu en mesurer la réussite ?
De plus, en souhaitant raconter la suite de l’histoire de nos personnages, on sortait de l’objectif initial pour rentrer dans un projet artistique plus autonome. Mais on se justifiait dans notre activité quand même en disant que ça allait être au service des vocations.
Lorsque tous les épisodes étaient clôturés, nous nous étions dit qu’il fallait maintenant faire un travail de promotion au sein de l’Eglise. Des personnes pourraient utiliser ces vidéos dans des activités d’Eglise, dans du catéchisme, de la formation, etc.
Autant dire que c’était l’échec de ce côté. Hormis une soirée dans la paroisse de ma mère, il ne me semble pas que ces vidéos aient été utilisées par la suite.
De toute manière nos priorités commençaient à changer. Alice entrait dans le ministère, Guillaume s’orientait professionnellement du côté de la culture, Sébastien allait reprendre des études et moi-même j’allais commencer une thèse.
Consentir à l’éphémère
Sous la tournure artistique que prenait le projet, il aurait fallu que nous acceptions aussi une autre logique de communication.
Avec leur format et l’articulation narrative des différents épisodes, nos vidéos ne pouvaient plus être utilisées pour faire la promotion d’un métier ou d’une filière d’étude. Elles ne se prêtent pas immédiatement à de la formation non plus.
Je pense que ces vidéos peuvent en partie être comprise comme une confession de foi ou un témoignage. Par leur intermédiaire notre groupe essayait d’exprimer quelque chose de notre foi, de notre vision du monde et de l’Eglise.
Ceci a pour conséquence que leur pertinence est irrémédiablement liée à leur temps. Bien qu’elles soient visibles en tout temps sur youtube, elles ont un caractère éphémère.
Ces vidéos offrent un cliché temporel du monde réformé vaudois des années 2010′. Les épisodes étaient l’occasion de mettre en scène des lieux, des personnes, des formations ou des institutions typiques de cette période. Beaucoup de choses qu’elles montrent ne sont plus d’actualité – par exemple le CPT, ou encore les locaux de l’EERV.
Je pense qu’on peut avoir encore aujourd’hui du plaisir à regarder ces vidéos. Mais je pense aussi qu’en l’état elles sont « inutilisables ». Cela aurait été différent si elles avaient été d’emblée pensées comme faisant partie d’un projet plus large.
La plateforme
Le projet « susciter des vocations » ne s’est malheureusement pas prolongé. Il existe certes le site vocation.ch, mais qui n’offre pas de ligne éditoriale claire et ne semble pas être en marche de communiquer quoi que ce soit en ce moment.
Nous avions initialement l’idée de soutenir les Huguenots avec un site internet. Des articles et des témoignages devaient accompagner la publication des vidéos. Mais dans la mesure où la vie de ce site n’était pas notre objectif principal, il est vite tombé aux oubliettes.
Pour l’ancrage de ces vidéos, il nous manquait une maison, un lieu qu’elle aurait contribuer à faire rayonner. Cette maison manque toujours pour le monde réformé romand. Elle permettrait de réaliser un objectif de communication, mais aussi de bénéficier de la synergie propre au cross-média.
On trouve un bon exemple de cela dans les production de Carolina et Victor Costa Atalahalta Productions. La variété des productions et des supports utilisés fait rayonner Atalahalta mais aussi ses différents projets. Un travail immense est fait régulièrement pour que les différentes personnes engagées dans Atalahalta puissent vivre de leurs productions.
On peut trouver aussi d’autres exemples de plateforme cross-média : les géants du Bible Project ou encore ce que font les dominicains de Théodom.
Avec les Huguenots nous n’avons pas fait cet effort. Nous n’en voyions peut-être pas l’intérêt, n’en avions pas l’envie ou n’avions pas les forces à allouer à quelque chose d’une telle ampleur. C’était peut être pas notre rôle non plus.
Rêves
Le nom des « Huguenots » existe encore. Et je pense qu’il y a encore de la place pour raconter l’histoire de protestants contemporains et de plein de manières différentes.
Je crois que la production de média (que ce soient des textes, des vidéos, des livres, des jeux, etc.) fait partie de l’annonce de l’évangile. Pas parce que ça permet d’être plus efficace, mais parce que c’est fun, valorisant, formateur et parce que ce qui est produit est beau.
Faire des vidéos, communiquer autour, se mettre au défi de dire sa foi aujourd’hui. C’était avant tout un très grand plaisir à faire, un résultat valorisant et en même temps un gros challenge. Il y avait beaucoup de joie à faire cela.
La foi ne s’exprime pas qu’au travers de textes ou de cultes : elle peut l’être aussi au-travers de telle vidéo, ou d’autres média. Ce que fait par exemple Vincent Pache (AKA le magicien d’Ut), ou encore les podcasts de In Fabula Veritas offrent tant de petites productions qui disent la foi aujourd’hui. On le voit aussi autour de la poésie, avec Avent en Vers.
Je rêve…
Je rêve que dans les diverses formations de nos Eglises et en théologie on encourage à la création artistique comme expression théologique.
Je rêve que d’autres encore puissent aussi éprouver cette joie de la production, de raconter des histoires, de faire de la musique, d’écrire des textes ou de vivre une autre forme d’art.
Je rêve que l’on se fédère, pour travailler à un rayonnement plus grand de notre foi.
Je rêve que les histoires des Huguenots se racontent ailleurs, par d’autres voies.
Cette création est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Paternité 4.0 International.
Merci pour cette rétrospective honnête et touchante. Vous avez fait un sacré boulot avec cette série, bravo !
Et merci pour ton rêve, que je partage complètement… Que la joie de la création/production soit une forme d’adoration plus reconnue, valorisée et soutenue dans nos Églises !
Bravo et merci, Elio, de ce retour sur cette expérience. Quand on parle de nostalgie, il y a toujours une pointe de tristesse, qui transparaît dans tes propos.
Triste, moi aussi, de constater combien les projets novateurs ne trouvent que peu d’écho, voire de soutien de la part de nos institutions.
Triste, moi aussi, de voir le peu d’implication et de moyens des Églises dans de tels projets d’évangélisation.
Bien d’accord avec Carolina, sur FB, les évangéliques, eux, se donnent les moyens.
Mais heureux d’avoir découvert ces pépites, peut-être imparfaite, mais on trouve rarement un diamant déjà taillé et poli dans un morceau de charbon 💎😉🤔
Bien à toi, et merci.
Amitiés, Jean-Marc