Table des matières
Lectures
Psaumes 110
1 Psaume de David. Déclaration du Seigneur Dieu à mon roi : « Assieds-toi à ma droite,jusqu’à ce que je mette tes ennemis sous tes pieds. » 2 Depuis la ville de Sion, que le Seigneur étende au loin ton pouvoir ! Et toi, domine au milieu de tes ennemis.3 Ton peuple est volontaire en ce jour où tu rassembles ton armée. Sur les montagnes de Dieu, tes jeunes gens viennent à toi,comme la rosée qui naît de l’aurore. 4 Le Seigneur a fait ce serment, il ne reprendra pas sa parole :« Tu es prêtre pour toujours, à la manière de Melkisédec. » 5 Le Seigneur est à tes côtés.Au jour de sa colère, il écrase des rois, 6 il exerce son jugement sur les peuples, il entasse les cadavres,il écrase les chefs sur toute l’étendue du pays. 7 En chemin, le roi va boire au torrent, c’est pourquoi il relève la tête.
Evangile selon Marc 16,14-20
14 Enfin, Jésus se montra aux onze disciples pendant qu’ils étaient à table ; il leur reprocha leur manque de foi et de s’être obstinés à ne pas croire ceux qui l’avaient vu ressuscité. 15 Puis il leur dit : « Allez dans le monde entier annoncer la bonne nouvelle à toute la création. 16 Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. 17 Voici les signes extraordinaires qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils chasseront des démons ; ils parleront des langues nouvelles ; 18 ils saisiront des serpents dans leurs mains et s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera aucun mal ; ils poseront les mains sur les malades et ceux-ci seront guéris. » 19 Après leur avoir ainsi parlé, le Seigneur Jésus fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. 20 Les disciples partirent pour annoncer partout la bonne nouvelle. Le Seigneur agissait avec eux et confirmait la parole par les signes qui l’accompagnaient.
Prédication
Cette prédication a été prononcé la première fois le jeudi 09 mai au temple de Prangins, pour la fête de l’Ascension.
Jésus-Christ règne.
Dieu a placé son Fils à la tête de toute chose. Lui seul est Seigneur. Toute autorité de ce monde lui est soumise. Il est le juge qui a le dernier mot sur nos existences. Dieu lui a tout confié, a remis toute sa création entre ses mains. « Dieu l’a élevé à la plus haute place et lui a donné le nom supérieur à tout autre nom. Il a voulu qu’au nom de Jésus, tous les êtres, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, se mettent à genoux et que tous reconnaissent publiquement : ‘Le Seigneur, c’est Jésus Christ, pour la gloire de Dieu le Père’. » (Philippiens 2,9-11).
Qu’en fera-t-il ? Maintenant qu’il se tient là – là-haut –, assis à la droite de Dieu – comment agira-t-il ? Lui qui a dit qu’il n’était pas venu pour « être servi », mais pour « servir » (Mc 10,45), le voilà propulsé à la place la plus haute, « l’Alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin » (Apocalypse 22,13) « Où aller loin de toi ? Où fuir loin de ta présence ? Si je monte dans les cieux, tu es là ; si je me couche parmi les morts, t’y voici ! » (Psaumes 139,7-8). « Tout ce que le Père possède est aussi à moi » (Jean 17,10). Jésus lui-même, à la place de Dieu. Et aucun autre à sa place.
La fin du pouvoir absolu
Jésus-Christ a rendu toute velléité de souveraineté absolue impossible. Dorénavant, plus personne ne pourra vouloir être le maître de tout : le maître de toute ressource, de toute terre, de toute vie. Cette place est réservée à un autre : le Christ lui-même, qui règne en puissance.
Souvent, ce sont les événements anonymes de la vie qui semblent dicter notre sort : une tempête, une avalanche, une maladie, un accident, etc. C’est la nature qui se révolte, une nature sans volonté, sans qui ou quoi à accuser : juste un destin qui frappe aveuglément. Une catastrophe. Mais toute catastrophe est soumise en dernier lieu au règne du Christ. Parfois ce sont les systèmes que nous avons mis en place qui règnent sur nos vies : économie, santé, politique, éducation, sciences, technologies, religion, etc. Ces systèmes nous disent quelle est notre place dans le monde, dans la société, et nous soumettent à leur logique. Mais tout système humain est soumis en dernier lieu au règne du Christ. Et parfois ce sont des personnes qui veulent nous dominer, nous utiliser : nous faire violence en abusant de nous, de notre esprit, de notre corps, de ce qui nous est cher. Que ce soit par des petites violences quotidiennes, un harcèlement continu, invisible ou au contraire, une répression et une persécution publique, certaines personnes exercent leur pouvoir sur nous. Mais toute personne est soumise en dernier lieu au règne du Christ.
À tout ce qui met la main sur nous, Jésus-Christ oppose son pouvoir royal – le seul pouvoir de droit divin qui existe dans ce monde.
Son autorité est une autorité avec un grand « A », qui relativise toute autre prétention d’autorité. Sous le règne du Christ, nous sommes libres, radicalement libres. Parce que Dieu a fait de nous ses enfants. Parce que nous héritons de cette dignité des fils et des filles de Dieu (Romains 8,14-16). Plus personne ne peut se targuer du privilège d’une proximité particulière avec Dieu, une proximité qui lui conférerait une autorité particulière sur les humains – l’autorité des rois, des prêtres et des prophètes. L’autorité des souverains par rapport à leurs sujets, l’autorité des ceux qui maîtrisent le sacré, l’autorité de ceux qui parlent pour Dieu. Non : dans le règne de Jésus-Christ, chacun est à la fois roi, prêtre et prophète (1 Pierre 2,9 ; Exode 19,6 ; Nombres 11,24-30 ; Joël 3,1). Parce qu’il est roi nous, sommes tous et toutes rois.
Quel étrange roi ! Et quel étrange règne !
Jésus porte la gloire de Dieu dans le monde, en lui, le règne de Dieu arrive. Autour de lui, le monde est transformé, jusqu’à rayonner de la présence de Dieu lui-même. Il vit d’un ordre nouveau, un ordre qui change tout.
Et pourtant, c’est un roi que l’on ne voit pas. Pas d’apparats, pas de cours, pas de défilés, pas d’insignes frappés dans de l’or. Rien à voir. Rien à toucher non plus. Personne ne peut aller lui serrer la main, se faire prendre en portrait avec lui. Ni même lui écrire une carte de remerciement. On ne peut pas aller écouter ses discours.
C’est le roi de la liberté. Une liberté gagnée de haute lutte contre tout ce qui enchaîne. C’est le roi qui annonce l’amnistie générale et qui rétablit tout les torts commis, qui fait justice. C’est le roi qui libère. Mais il y a encore des prisons : des chaines enferrent encore des pieds, des yeux sont encore aveuglés, des corps sont encore vidés de leur vigueur, des vies soumises au dictat de la condition sociale.
Jésus est le roi qui rend justice, mais le sang de l’ennemi n’a pas été versé – les tortionnaires, les injustes, les violents, les menteurs, les arnaqueurs, les violeurs, les meurtriers, les oppresseurs, les traitres. Aucun d’entre eux n’a été passé par le fil de l’épée, aucun n’a dû verser son sang. Pas d’exécution publique, pas de châtiment, ni de supplice, pas d’expiation. Pas de punition – et nous ne savons même pas si les coupables ont mauvaise conscience, s’ils éprouvent du remords, voir simplement de la culpabilité.
Un roi invisible, un roi qui libère sans détruire, un roi qui rend justice sans violence. Oui, quel étrange roi et quel étrange règne.
Le règne de la confiance
Que nous reste-t-il de ce roi qui s’en est allé dans les cieux ? De ce Fils qui est allé rejoindre son père ? Sa confiance. La confiance, c’est ce qui reste. La confiance est ce sur quoi tout repose. Avoir confiance en cet homme, se lier à lui, à sa manière de vivre, à sa puissance de guérison, de restauration, à la manière dont il exerce son autorité : en se mettant au service des uns et des autres, non en dominant. C’est cette confiance qui sauve : confiance en celui qui donne gratuitement, qui guérit gratuitement, qui restaure gratuitement, qui sert gratuitement.
Le règne de Jésus – sa manière de régner – c’est cette confiance qui fait vivre. Et dans cette confiance, notre Seigneur a beau ne pas être disponible, on a beau ne pas l’avoir sous la main, il n’en reste pas moins présent. En vivant de la confiance, nous vivons dans le règne, de celui qui fait confiance, celui qui vit cette confiance gratuitement.
Le pouvoir se nourrit de l’absence de confiance. Le pouvoir est là pour maîtriser, pour contrôler, pour plier le monde à notre volonté. Avoir du pouvoir, s’est s’assurer la souveraineté. On peut chercher à avoir du pouvoir sur le monde, sur les autres – on peut chercher à en avoir sur nous-mêmes aussi : maîtriser nos sentiments, nos émotions, notre corps, notre esprit, notre vie.
Mais la confiance de Jésus, celle qu’il a en son Père, celle qu’il a en nous, est le corrosif le plus puissant à l’égard du pouvoir. Et c’est là son pouvoir. Car vivre de la confiance, ce n’est pas ne rien faire : c’est tout faire dans la confiance, dans la gratuité. C’est défaire ce qui trouve son fondement dans l’angoisse qui guide le pouvoir, lutter contre la peur qui érige les barrières de la violence et du prix à payer pour exister. C’est relever celles et ceux qui sont étouffés par le poids de la culpabilité, soutenir celles et ceux qui sont écrasés par la force inflexible du destin, c’est résister au refus de la confiance, résister à l’éviction de la gratuité, résister aux tentations du pouvoir.
Et Dieu est là – dans la confiance, dans la gratuité. Il règne. « Les disciples partirent pour annoncer partout la bonne nouvelle. Le Seigneur agissait avec eux et confirmait la parole par les signes qui l’accompagnaient » (Mc 16,20)
Amen.
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