Jeûne en marche

Premier jeûne

Presque au terme de ma première expérience de jeûne, je veux témoigner de ce vécu, sous ses différents aspects.

Contexte

Du 5 au 20 mars, j’ai fait un jeûne alimentaire. L’absence d’alimentation solide a commencé le 8 au soir et s’est terminé le 16 au matin. Je l’ai fait dans le cadre d’un projet oecuménique, Détox’ la Terre. J’ai donc pu vivre ce jeûne avec un groupe, avec des personnes de mon âge et un peu plus âgé.

Mon menu journalier était : 2.5dl de jus de fruit le matin, 2.5dl de bouillon fait maison à midi, de l’eau et des tisanes.

Motivation

Cela fait déjà quelques années que je me posais la question de vivre un jeûne alimentaire. Ce projet m’en a donné l’occasion.

Dans ma réflexion sur la « spiritualité » je mets en avant l’implication du vécu corporel. La « spiritualité » n’est pas qu’une affaire du mental, mais aussi du corps et des émotions.

Ce jeûne me donne donc l’occasion d’approfondir personnellement cette dimension.

Je m’interroge et m’inquiète aussi de nos modes de consommation.

La consommation fait partie de la relation à Dieu – la Cène est un moment de consommation. Mais il ne s’agit pas de n’importe quelle consommation : c’est une consommation qui me fait vivre pour glorifier Dieu et le servir.

Au regard de l’impact de mon mode de vie sur l’environnement, ce jeûne me donne aussi l’occasion de me recentrer et de discerner mes prochains pas par rapport à cet enjeu : une consommation pour vivre et non pour moi.

Petit bonus : il me donne l’occasion de ralentir un peu dans mon rythme quotidien – ce qui ne veut pas forcément dire que je fais moins, mais que j’écoute plus mon corps dans ce que je fais.

Vécu corporel

Je n’ai jamais fait de jeûne, mais j’étais serein et confiant au moment d’y entrer. Le premier jour était facile : j’avais la pêche, j’ai pu faire du sport. Les deuxième et troisième jours étaient un peu plus difficiles : des crampes à l’estomac et quelques vertiges. La suite s’est déroulé comme sur des roulettes.

Tous les jours j’ai pu faire une activité physique (marche ou sport) et me suis levé systématiquement à 7h30 et couché entre 22h et 00h. Les jours les plus « difficiles » n’étaient de loin pas insurmontable : il m’a juste fallu m’adapter à ce que mon corps vivait. Marcher plus lentement, prendre un peu de temps avec une bouillotte.

Physiquement je me sens mieux. Je souffre habituellement de reflux gastriques assez gênant, ou de lourdeurs à l’estomac. Tout cela était diminué dans cette période.

J’ai pu travailler normalement.

Vécu psycho-relationnel

On dit que le jeûne fait de la place à l’esprit. L’estomac travaillant moins, l’énergie du corps peut être plus investie ailleurs. Dans mon cas, je pense que c’est assez vrai. Les idées fusent, mais aussi la perception des choses.

C’est du coup aussi une tentation de faire plus de choses – mais si je vais trop vite dans des activités cérébrales, alors mon corps me rappelle à un moment donné à l’ordre. Je l’écoute et je me calme.

Sur le plan des émotions j’étais serein. Globalement, de la joie et de la paix, parfois un peu de tristesse et de mélancolie.

Relationnellement j’ai vécu de belles choses durant ce jeûne, notamment avec mon épouse. Je trouve que la qualité de l’attention que je peux porter à autrui est augmentée. Moins d’impatience, moins d’amertume – par contre j’ai aussi eu plus de peine à être focus.

Vécu spirituel

Je dirais que je prends conscience à quel point Dieu est déjà présent avec moi dans mon quotidien – cela confirme une certaine perception de ma conscience de cette relation.

Chez moi il ne s’agit pas de quelque chose de très expressif. Je ne pense pas qu’on va « voir » cette relation sur moi – en tout cas pas directement. Mais il s’agit pour moi d’intégrer Dieu dans l’ensemble des choses que je fais – aussi (surtout?) celles dont j’ai honte.

C’est aussi dans ma perception de la nature qui m’entoure : dans la présence de Dieu, les stimulations que je reçois par mes sens m’ouvrent à une dimension supplémentaire qui me lie à cet ensemble dont je participe – que ce soit du vivant ou de l’inerte.

J’ai déjà mon temps de lecture biblique quotidien et des temps de prière au fil des semaines. Avec l’équipe de jeûneur nous avons suivi un carnet de prière pour accompagner le jeûne. C’était un chouette complètement à ma pratique quotidienne.

J’ai l’impression que cette semaine de jeûne a augmenté sensiblement ces aspects, mais pas non plus significativement – c’est peut-être juste le contexte du jeûne qui m’a donné cette impression. Par contre elle m’encourage à discerner les prochains pas à faire avec Dieu dans ma vie et à faire de ce discernement un acte quotidien.

Au moment où j’écris ces lignes je ne suis pas encore arrivé au bout du discernement : il faudra que je le mette par écrit. Mais cela concerne en partie mon utilisation de matériel électronique (ordinateurs, consoles, etc.), ainsi que ma manière de préparer à manger – le fait de faire des bouillons maison m’ouvre des perspectives.

Interrogations

En amont de ce jeûne, dans le temps qui annonce Carême, j’ai vu passer un certain nombre de messages et de publications dénonçant le jeûne, de la part de protestant réformé.

Il y avait quelque chose d’une forme de mépris dans leur langage qui m’a interpellé – aussi parce que je me préparais à la perspective de ce jeûne. Il y avait aussi des voix pour – mais forcément pas aussi véhémente (en tout cas celles que j’ai perçu).

Je ne crois pas « faire de la justification par les oeuvres » avec ce que j’ai fait. Je ne crois pas non plus être quelqu’un de meilleur par le fait de jeûner. J’avais le désir de ce jeûne et je ne recommanderais à personne de faire un tel jeûne s’il n’en a pas le désir.

Je n’ai pas non plus cherché à faire « comme les catholiques ». Que cette affirmation au sujet du jeûne ressorte dans la discussion protestante m’a d’ailleurs profondément étonné, tant le jeûne n’est pas une pratique réservée au catholicisme (de loin pas!).

J’aimerais pouvoir rentrer en discussion avec ces personnes : pourquoi l’expérience que j’ai faîte semble si problématique, si abjecte, voire condamnable ? Il y a peut-être quelque chose que je ne vois pas, et pour l’instant je ne comprends pas la véhémence.

Ce qui est certain pour moi, c’est que le jeûne n’est bénéfique que s’il est un acte d’obéissance à la volonté de Dieu donnée dans l’Esprit. S’il est un acte d’obéissance à la loi des hommes, alors il manque sa cible.

Et pour vous, le jeûne c’est quoi ? Un pieux fourvoiement, une partie essentielle de l’hygiène spirituelle ?

N’hésitez pas à partager votre expérience!


Cette création est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Paternité 4.0 International.

2 réflexions sur “Premier jeûne”

  1. Merci de ton témoignage Elio ! J’ai vécu un jeûne une fois il y a longtemps. Je m’en souviens aussi comme d’un moment de communion forte avec Dieu mais aussi avec mon groupe de jeûneurs.
    Je suis étonné de lire que tu as été confronté à tant de commentaires condamnant le jeûne (bien que n’étant pas dirigés contre toi directement de ce que je comprend). Pas très « protestant » de leur part, vu que même Jesus invite au jeûne…

  2. Ping : Ma revue de blogs #1 – Penser une église au milieu du web

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