Table des matières
Prédication prononcée le 1er octobre 2023 au temple de Nyon
Lectures
Genèse 39,1-6 | 1 Les Ismaélites qui avaient emmené Joseph en Égypte le vendirent à un Égyptien nommé Potifar. Ce Potifar était l’homme de confiance du pharaon et le chef de la garde royale. 2 Le Seigneur était avec Joseph, si bien que tout lui réussissait. Joseph vint habiter la maison même de son maître égyptien. 3 Celui-ci se rendit compte que le Seigneur était avec Joseph et faisait réussir tout ce qu’il entreprenait. 4 Potifar fut si content de lui qu’il le prit à son service particulier ; il lui confia la responsabilité de sa maisonnée et l’administration de tous ses biens. 5 Dès lors, à cause de Joseph, le Seigneur fit prospérer les affaires de l’Égyptien ; cette prospérité s’étendit à tous ses biens, dans sa maison comme dans ses champs. 6 C’est pourquoi Potifar remit tout ce qu’il possédait aux soins de Joseph et ne s’occupa plus de rien, excepté de sa propre nourriture. (NFC)
Matthieu 5,14-16 | 14 C’est vous qui êtes la lumière du monde. Une ville construite sur une montagne ne peut pas être cachée. 15 On n’allume pas une lampe pour la mettre sous un seau. Au contraire, on la place sur le porte-lampe, d’où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. 16 C’est ainsi que votre lumière doit briller aux yeux de tous, afin que chacun voie le bien que vous faites et qu’ils louent votre Père qui est dans les cieux. (NFC)
Prédication
Une manière de comprendre l’histoire de Joseph, c’est de la considérer comme l’histoire du regard que l’on porte sur lui. Jacob voit son fils préféré, celui qu’il aime par-dessus tout, à qui il donne toute son attention. Les frères de Joseph voient le chouchou de papa, voient leur frère qui prend toute l’attention de leur père. La femme de Potiphar, séduite, envieuse, voit un étranger, qui a du succès, qui accède à des positions que vraisemblablement elle n’aura jamais. Le pharaon voit une personne capable de servir au mieux les intérêt du peuple, le prestige et le pouvoir de l’Égypte parmi les nations.
Trois regards
Je suis un vendeur d’esclave. Mon commerce, c’est de la marchandise humaine. Je ne le fais pas pour le plaisir. Je le fais parce que c’est comme ça : je dois bien vivre. Je vois de la marchandise. Je vois des muscles. Je vois un beau corps, attirant et séduisant. Je vois un esprit habile et réveillé. Je vois un bon traducteurJe vois de l’argent. Je vois ma subsistance. Je vois une chose sans histoire. Je ne veux pas connaître son passé. Je ne veux pas non plus savoir ce qu’il adviendra de lui. Je le transporte d’un point à un autre, je m’assure du bon état de ma marchandise. Je ne peux pas avoir d’empathie. Il vit pour que je vive. C’est tout. Une fois qu’il sera vendu, je passerai à autre chose. Enfin, j’espère.
Je suis un propriétaire. J’ai du pouvoir, mais j’ai surtout des responsabilités ! Quand je le vois, je vois quelqu’un d’utile. Il s’en sort bien, peut-être même mieux que moi. Il est avenant, fin administrateur, rusé en affaire. Je peux me décharger sur lui. Je vois un grand confort ! Je peux enfin me concentrer sur l’essentiel, ce qui est important pour moi. Et qu’y a-t-il de plus important que la nourriture et sa qualité ? Après tout nous sommes faits de ce que nous mangeons. Ce qui est bien avec ce garçon c’est qu’il ne fait pas de vague. Il est discret. Je le vois un peu, mais pas trop : il sait où est sa place et il sait y rester. Parce que bon, il ne faudrait quand même pas oublier qui tient la bourse ici. Qui c’est qui l’a racheté ? Ha !
Je suis un serviteur. Je vois la trahison. Je vois le désastre des relations avec mes frères. Je vois l’échec. Je vois le trou dans lequel ils m’ont jeté et laissé pour mort. Je vois la survie : il m’a fallu ruser, me montrer plus fort et plus intelligent, pour sortir du lot. Pour leur plaire, pour avoir une bonne place. Mais cela ne s’arrête jamais. Je sais que mon statut est précaire : que mon existence dépend entièrement de la bonne volonté des autres ! Et pas que de mes maîtres : de tous les autres. L’allié d’un jour peut être l’ennemi de demain. Je vois le doute : pour l’instant, je m’en sors. Et je n’oublie pas de rendre grâce à Dieu de tous les jours qu’il me donne. Mais pourquoi fallait-il qu’il me punisse de ce que mon Père m’aime de manière si exubérante ? Pourquoi fallait-il qu’il m’envoie en Exil ? J’erre comme un damné sur cette terre.
Echos de l’assemblée
Que voyez-vous ?
- Le fils bien aimé de son père, jalousé de ses frères, très intelligent et honnête à l’écoute de Dieu
- Un homme sous le regard de Dieu
- Un fils victime d’histoires de familles
- Dieu et son amour pour nous tous.
- Un homme blanc, nu et pas libre, enchaîné. Il est maigre et a souffert.
- L’opprimé qui sait s’adapter.
- Un homme au service des autres.
- Joseph, épris de lui-même, qui se croit important.
- Ce que je projette sur lui.
- Un homme parmi ses frères.
- Un Fils victime d’histoire de famille.
Et Dieu ?
- Dieu le voit avec amour, avec ce qu’il lui a donné, ses dons et ses limites.
- Un homme aimé.
- Un homme qui a une mission.
- À son image
- Le monde.
- Un homme seul, mais comme tout humain qui a confiance et qui voit que ça pourrait changer (sans condition)
- Le serviteur.
- Un ange, un esprit saint, un esprit guidé.
- Joseph, tel qu’il l’a prévu, pour sauver sa famille.
- Ce que Dieu projète en lui.
- Il voit que Joseph s’en sort toujours, même s’il est vendu par ses frères.
- Un humain qui porte l’éclat de Dieu en lui.
Le regard
Il n’y a pas de regard possible, sans lumière. Une lumière qui nous donne à voir le monde et les personnes d’une certaine manière. La lumière que Dieu nous donne, c’est le regard de Dieu sur le monde. Celui qui dit : « Celui-ci est mon fils bien aimé ; en lui je trouve toute ma joie » (Mt 3,13). À la suite de Jésus, c’est à travers nous que Dieu porte son regard sur le monde, au travers de la lumière que nous jetons sur le monde et les êtres vivants.
Dans l’histoire de Joseph, un tournant final a lieu lorsqu’il se découvre et se dévoile à ses frères. En étant caché à leur regard, il pouvait les manipuler. En se dévoilant, il ouvre un chemin de réconciliation, au bout duquel se trouvent ces mots de son Père : « Maintenant je peux mourir, puisque tu es toujours en vie et que je t’ai revu ! » (Gn 46,30) Alors que tu avais disparu, caché derrière le voile de l’absence, de la mort et des intrigues, je t’ai revu.
Amen.
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