Depuis mi-septembre je suis engagé sur un mandat concernant l’innovation dans l’EERV. Dans le cadre de ce mandat se pose notamment la question de la définition de l’innovation adoptée par l’EERV. Ceci est un premier essai que je pose, sans avoir fait encore de grandes recherches sur ce sujet – la définition évoluera au fil de la récolte de donnée et de mes lectures.
Conception générale de l’innovation
Une des premières définition sur laquelle je tombe donne l’orientation suivante : l’innovation désigne le fait d’introduire quelque chose de nouveau dans un ordre établi. Ce n’est donc pas une nouveauté ex nihilo, détachée de toute réalité, mais une nouveauté qui s’articule à un ordre des choses qui demeure. L’innovation va donc établir un contraste avec ce qui est courant ou ordinaire.
Je rajouterais l’éléments suivants : dans une perspective d’organisation, l’innovation implique qu’on lui accorde des ressources (humaines, matérielles, financières) limitées. Pour le dire d’un point de vue comptable : elle bénéficie d’une entrée spécifique dans le budget. Lorsqu’une activité ou un outil cesse d’être innovant, c’est soit qu’il a été intégré dans le budget courant – qu’il fait dorénavant partie des piliers de l’activité de l’organisation – soit que l’organisation y a renoncé au bénéfice d’autres formes d’innovations.
L’innovation en Eglise
D’un point de vue doctrinal, l’innovation tombe dans le champ d’activité de l’Esprit-Saint. Il est celui qui fait toutes choses nouvelles. L’innovation qui a lieu dans l’Eglise est relativisée par rapport à l’oeuvre de l’Esprit-Saint dans la création en général. Cette oeuvre fonde l’Eglise, mais en même temps la dépasse. Ceci implique de reconnaître les limites de l’innovation dans l’Eglise.
L’Eglise trouve cette limite dans son mandat : communiquer l’Evangile de Jésus-Christ dans le monde1. La pertinence des éléments d’innovation introduit dans la pratique et l’organisation ecclésiale se mesure à leur conformité à ce mandat.
Dans l’analyse et l’accompagnement de l’innovation en Eglise, il me semble qu’il faut renoncer à une maîtrise d’ensemble : l’analyse et le développement de l’innovation se constituent toujours selon une perspective restreinte, définie notamment par la place des acteurices dans l’organisation, par leur pouvoir d’action et par les ressources qu’elles ont à leur disposition. La perspective cantonale dans le cadre de l’EERV est une perspective restreinte, même si les actions entreprises depuis cette perspective peuvent avoir une portée globale.
Limites du concept d’innovation en Eglise
I. L’innovation porte sur des formes d’actions et d’organisation ou sur les outils employés par l’Eglise. La nouveauté ultime qu’est la venue du Royaume de Dieu en Jésus-Christ ne s’identifie pas avec ces formes d’innovations. L’innovation porte sur les moyens et les formes du témoignage rendu à l’Evangile, mais la réussite de ce témoignage lui échappe. Ceci implique de poser des limites temporelles et matérielles claires à ce qui rentre dans l’ordre de l’innovation, ainsi que des objectifs précis (p.ex. SMART) qui permettent de mesurer la pertinence de telle ou telle innovation. Ces limites indiquent que nous assumons le caractère humain et faillible de ce que nous faisons dans la communication de l’évangile. La réussite du témoignage rendu à l’Evangile sera toujours de surcroit – à espérer et à croire, comme l’on espère et l’on croit que l’amour est.
II. Si l’on se contente de considérer uniquement l’innovation qui rentre dans le cadre de ce que l’organisation a choisit de reconnaître comme tel, on risque de devenir aveugles aux formes d’innovation qui ont lieu suivant d’autres perspectives, d’autres regards. Une curiosité envers ce que l’on ne voit pas, ce que l’on ne considère pas, est une nécessité en Eglise, alors même qu’elle ne peut précisément pas adopter une posture qui verrait tout et qui serait apte à mesurer tout. En somme, même si on ne peut pas les activer constamment, on ne doit pas jeter nos antennes à la poubelle, une fois qu’on a vu ce qu’on voulait voir.
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- Sur la relation entre communication de l’évangile et Eglise, voir Christian Grethlein, Kirchentheorie. Kommunication des Evangeliums im Kontext, De Gruyter, 2018. Les principes constitutifs le disent ainsi : « L’Eglise reçoit du Christ la mission de témoigner de l’Evangile en paroles et en actes. Elle accomplit cette mission dans le canton de Vaud auprès de tous et sans discrimination »[↩]