Table des matières
§ Dans le mystère pascal, le Père se communique pleinement à la personne humaine en lui donnant son nom
Préambule
Suivant ce que j’ai écris sur le langage trinitaire, ici je vais évoquer la personne du Père. Mais dans ce cadre je parle bien d’ielle, de il, de elle. De Dieu.
« Père », « Abba » est le nom que Jésus donne à cellui auquelle il prie, à cellui auquelle il se remet entièrement, ainsi que tout le reste. C’est aussi le nom que présente la prière du « Notre Père » enseignée par Jésus à ses disciples (Matthieu 6,9-13 ; Luc 11,2-4). C’est le nom retenu par la tradition pour sa confession de foi « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant… ».
Mais celle que le Père est ne se définit par d’abord par notre expérience de la paternité ou de la maternité biologique, sociale, relationnelle ou culturelle. Non pas qu’iel en est absent, mais iel l’est à sa manière. C’est cette manière qui est déterminante et non l’inverse.
Le mystère pascal
Cette notion vise à ramasser une histoire, ainsi que la réalité vivante et inépuisable de cette histoire.
En bref, c’est qu’il y avait un être-humain qui s’appelle Jésus, un membre du peuple d’Israël, qui a vécu une vie rayonnante et libératrice.
Il a été mis à mort par son espèce, par son propre peuple, par ses disciples, par les forces politiques.
Mais suivant une foule de témoins, celui-ci est vivant maintenant : celui a qui il a tout remis, celui qu’il appelait son « Abba » l’a relevé d’entre les morts.
Cet humain vit en, avec et pour tous ceux qui ont mis, qui mettent et qui mettront leur confiance en lui: ceux qui sont saisis par l’Esprit-Saint.
C’est de cela que je vis, c’est en cela que je place ma confiance. C’est dans cette lumière que j’aime.
Et c’est plus qu’un cela : c’est un.e personne, parce qu’elle se communique à moi, que je peux me communiquer à elle, qu’ensemble nous nous communiquons au monde dans le monde. C’est en iel que j’espère.
Le mystère pascal, c’est tout cela, et plus que je ne puis dire moi-même. Mais d’autres l’on dit, le disent et le diront encore.
Le Père ici, c’est celle qui donne son Nom.
Mon nom
Avant que je sache qui je suis, quelqu’un m’appelait par mon nom, m’ouvrant le chemin à cette connaissance de qui je suis.
Mon identité résonnait dans le creux de la voix de mes parents.
Mais c’était plus et autre chose que leur voix qui était à la source de cette résonnance.
Ils nomment d’une certaine manière, mais ils n’ont pas de pouvoir sur mon nom. Parce qu’ils n’ont pas de pouvoir sur qui je suis. Un.e autre me donne mon nom.
Celle qui me nomme se manifeste dans le fond général de l’univers. Celle au-delà du tout – le grand point d’interrogation dont aime me parler un ami, où « ça » en l’appuyant de ce geste :
C’est ce « plus » qui accompagne toute mon existence, qui me rappelle que je ne suis pas seul, que je ne me suis pas créé moi-même, que je proviens de quelque part, que je suis quelque part et que je vais quelque part.
Le théologien réformé Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher (1768-1834) parlait du « sentiment de dépendance absolu » pour situer l’indice dans la vie humaine de cette expérience fondamentale.
Mais c’est plus qu’un ça : je peux me tenir devant iel, je peux lui parler.
C’est toi qui a créé ma conscience, qui m’a tissé dans le ventre de ma mère
Psaumes 139,13 NFC
Ce nom qu’iel me donne dit qui je suis, et il dit plus que mon prénom ou mon nom de famille.
Le baptême d’enfants, la circoncision : ce sont des rites qui me donnent une place et une histoire.
Traditionnellement, c’est au jour du baptême que l’on officialisait le nom de l’enfant pour la société chrétienne. La circoncision signifie que l’enfant fait bien partie de la grande famille d’Israël.
Mais si la tradition chrétienne effectue ce rite du baptême, c’est pour dire que le nom de cet enfant, de cette personne, n’appartient pas à la famille qui l’accueille et que son prénom n’a pas encore tout dit de ce qu’elle est : ce n’est que son pré-nom.
Dans mon baptême, en définitive, c’est un autre qui me nomme. Dans le baptême, c’est un autre qui fait que je suis qui je suis en vérité. C’est un autre qui me crée.
Son Nom
Mais comment vais-je appeler en retour cellui qui me nomme ?
Je pourrais en rester au « ça » ; mais à ce moment je ne donne pas de réponse à cellui qui m’appelle par mon nom.
Quand iel m’appelle par mon nom au-travers de la vallée, que vais répondre ?
Cellui qui me donne mon nom ne se cache pas au moment où il me le dit. Au contraire : me donner mon nom et me dire qui iel est, iel le fait d’un même geste.
Iel ne retient pas quelque chose caché de moi. Il ne retient pas une part de secret et de pouvoir.
Iel me connait. Iel pourrait avoir du pouvoir sur moi, car iel sait qui je suis.
Mais iel me donne son nom, iel se donne entièrement à moi au moment où iel me donne à moi-même. Iel ne retient rien de iel-même dans son nom, lorsqu’iel donne son nom à son enfant.
C’est pourquoi Dieu l’a élevé à la plus haute place et lui a donné le nom supérieur à tout autre nom. Il a voulu qu’au nom de Jésus, tous les êtres, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, se mettent à genoux, et que tous reconnaissent publiquement : « Le Seigneur, c’est Jésus Christ, pour la gloire de Dieu le Père. »
Philippiens 2,9-11 NFC
Ici, la dignité donnée au nom de Dieu (le tétragramme) est comme déplacée vers la personne de Jésus lui-même, au moment où celle-ci reçoit la dignité de son propre nom.
C’est pour cela que les enfants de Dieu sont de Dieu, qu’au moment de recevoir le nom de cellui qui nous le donne, c’est iel qui se donne entièrement à eux, jusqu’à être tout à eux.
Ainsi, il nous a accordé les biens précieux et si importants qu’il avait promis, afin que grâce à eux, le dos tourné à la destruction que les mauvais désirs provoquent dans le monde, vous ayez part à la vie divine.
2 Epîtres de Pierre 1,4 NFC
Le mystère du Nom
Dans le mystère pascal, le nom peut être dit par une paraphrase :
« Tu es mon fils, ma fille, bien-aimé.e ; en toi je trouve toute ma joie. »
Evangile selon Marc 1,11 NFC (adapté)
Cette phrase me dit mon nom, elle me dit qui je suis : Je suis fils.fille de Dieu.
Voilà mon nom, voilà mon identité, voilà ce que je suis, voici la vérité de ce dont mon nom courant n’est que le préambule, le prénom.
Mais elle dit aussi qui est cellui qui dit ce nom :
- cellui qui donne à son fils, sa fille, le pouvoir de guérir, de libérer, de transformer, de faire croître, de soigner, d’aimer ;
- cellui qui n’infantilise pas son enfant, mais qui le, la, laisse vivre sa vie jusqu’au bout. Jusqu’à la mort sur une croix ;
- cellui qui en définitive ne tait pas le nom de son enfant, alors qu’il a sombré dans la mort, qui le, la rappelle : le ressuscite d’entre les morts ;
- cellui qui n’est pas exclusif, mais inclusif, qui appelle ses enfants par-delà toute frontière.
Le mystère de mon identité se trouve dans le mystère du nom de Dieu. Ce n’est pas une énigme à décoder. C’est un nom à recevoir. C’est se recevoir soi-même et c’est quelqu’un d’autre à recevoir.
Le « Père » c’est celle qui, fondamentalement et avant toute chose, initie cette donation du nom, qui initie la communication pascale, en se donnant iel-même.
Cet article fait partie d’une série sur la « communication pascale »
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