Communication pascale (II) – La communication de Dieu

La « spiritualité » c’est avant tout Dieu qui se communique. Le christianisme, dans sa forme majoritaire, essaie de dire cela sous un mode trinitaire.

La communication de Dieu

Communiquer, c’est en premier lieu quelque chose que Dieu fait. Dieu se communique au monde et à l’humanité. Se faisant il crée, réconcilie et libère.

Plutôt que de parler de « Dieu » en général, la tradition dogmatique de la théologie chrétienne favorise un schéma trinitaire pour parler de cette communication.

Ce schéma vise en effet à sortir des impasses d’une description objectivante ou métaphysique de « Dieu ». Passer par trois personnes pour parler de la communication de Dieu, c’est consentir à un certain jeu de langage. La caractéristique principale de ce jeu est son ouverture.

La tradition chrétienne le fait parce que ceux qui s’y reconnaissent croient que Dieu s’est bel et bien communiqué, qu’il continue à le faire et qu’il le ferra encore. Par le jeu trinitaire, sa doctrine ouvre un espace de signification qui laisse place à de l’imprévisible. C’est un jeu qui implique toujours plus qu’il n’explique, là même où il investi d’importants efforts explicatifs.

Pour le dire de manière plus ramassée : le langage trinitaire, est la tentative d’établir une correspondance entre la forme de la communication discursive et la communication de Dieu en tant que tel.

Sur ce point on peut lire

  • le chapitre « Die Trinitätslehre als Rahmentheorie des christlichen Glaubens » de l’ouvrage du théologien Christophe Schwöbel Gott in Beziehung (Tübingen, Mohr Siebeck, 2002, pp. 25-51).
  • le chapitre 3 du tome 1 de la Théologie systématique de Robert Jenson [1930-2017] (Paris, L’Harmattan, 2016, pp. 65ss), traduit par Serge Wüthrich.

Dieu se communique en Jésus

Le Père annonce l’identité de Jésus. Il montre au monde qui est cet homme. Après le baptême de Jésus, « une voix se fit entendre des cieux : « Tu es mon fils bien-aimé ; en toi je trouve toute ma joie. » » (Mc 1,11 NFC)

Le Fils, Jésus, annonce la Bonne Nouvelle et l’établissement du Royaume de Dieu. « Le moment favorable est venu, disait-il, et le règne de Dieu est tout proche ! Changez de vie et croyez à la bonne nouvelle ! » (Mc 1,15 NFC)

Le Saint-Esprit réalise cette annonce dans le monde et en l’être-humain. Tout comme l’Esprit pousse Jésus dans le désert (Mc 1,12), avant qu’il se mette à annonce l’Evangile, il guide la paroles des disciples de Jésus au moment du témoignage. « Lorsqu’on vous emmènera devant le tribunal, ne vous inquiétez pas d’avance de ce que vous aurez à dire ; mais dites les paroles qui vous seront données à ce moment-là, car elles ne viendront pas de vous, mais de l’Esprit saint. » (Mc 13,11 NFC).

Dieu se communique à la totalité de l’existence

Le Père « crée » l’être-humain pour qu’il soit sa gloire sur terre, pour qu’il le manifeste dans sa création. Par l’être-humain, c’est dans l’entier de la création que Dieu, le Père, apparaît, se manifeste. Il passe par un autre que lui-même pour se manifester et donc se communiquer.

Le Fils est l’image efficace de Dieu sur terre, image communicante est agissante. Toute humanité est fils et fille de Dieu. Non pas dans l’absolu, mais dans la communication avec celui qui lui-même se reconnaît comme le Fils du Père : Jésus – la Sagesse en chair. C’est ainsi qu’il a sa place dans l’ensemble de la création, qu’il y participe, qu’il communique avec elle dans le but de manifester Dieu.

L’Esprit-Saint se communique à la poussière pour en faire de la vie. Le don de l’Esprit est la condition de toute vie concrète. À chaque fois que Dieu se communique, c’est dans et par l’Esprit-Saint que ça se passe, que ça se concrétise. L’Esprit-Saint est souffle de Vie. C’est Dieu qui se communique et le monde qui se communique en un seul et même mouvement.

La totalité de l’existence participe de cette communication

Cette communication n’est pas seulement intellectuelle. Elle concerne l’existence humaine dans son entièreté et dans toute sa densité. C’est ce qui prend forme au moment où l’on reconnaît l’identité de cette communication de Dieu avec l’Evangile.

L’annonce de l’Evangile comme communication de Dieu ne prend pas forme uniquement dans le discours. La prédication et l’enseignement en font partie, c’est certain. Mais il faut également y ajouter :

  • les guérisons (Mc 1 ; Ac 3,1-10) psychiques, relationnelles, corporelles et sociales.
  • les changements de comportement individuels et collectifs (Ac 2,42-43) : ce qu’on appelle la « conversion ».
  • la vie communautaire, les rites, les processus décisionnels (Ac Ac 15).

Dans cette communication, c’est la vie humaine dans son ensemble qui se trouve transformée et orientée.

Lorsque le christianisme structure le langage de sa foi autour de la dramatique de l’histoire pascale – que ce soit dans les évangiles, dans ses rites hebdomadaires, ou dans l’année liturgique – il fait de cette communication de Dieu le lieu de son existence, sans chercher à en produire lui-même la clôture (bien que cette tentation persiste).


Cet article fait partie d’une série d’articles intitulée “Communication pascale”. Il est susceptible d’être modifié en fonction de l’évolution de la série.

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2 réflexions sur “Communication pascale (II) – La communication de Dieu”

  1. Jacques-Etienne Deppierraz

    Cher Élio,

    Quelle joie de lire une valorisation de la théologie trinitaire en protestantisme ! Merci.

    Dans une théologie de la Trinité, il y a en effet, dans l’essence-même de Dieu, communication, communion, énergie, ouverture, en un mot : amour. Nous ne sommes pas dans une vision totalisante de Dieu. En Dieu, il y a déjà différentiation, reconnaissance, renoncement à être tout tout seul (le Père laisse la place au Fils, le Fils se soumet au Père, le Fils se retire pour laisser l’Esprit oeuvrer, etc.). Chaque hypostase prend pleinement sa place et laisse pleinement sa places aux deux autres et par suite à la création. On peut parler d’un personnalisme communautaire. Il n’y a pas d’amour sans auto-limitation. C’est plein de conséquences pour notre vision de Dieu, de nous, de la création, de la spiritualité.

    Je trouve la lecture de la théologie orientale très stimulante dans ce sens. Notamment Vladimir Lossky, « À l’image et à la ressemblance de Dieu » ou « Théologie dogmatique ».

    Amitié,

    Jacques-Etienne

    1. Salut Jacques-Etienne !
      Merci pour ton retour. Tu as raison de signaler le mot « amour ». J’ai d’ailleurs l’impression que cette affirmation précède toujours la construction d’une doctrine trinitaire, Dans ma thèse je vais du coup faire précéder mes quelques développements sur la Trinité d’une réflexion sur « Dieu est amour ». Le théologien nord américain Robert Jenson (1930-2017) a développé l’idée que la « Trinité » est le nom de Dieu, sa personne : une personne qui se présente, se dit et agit au-travers d’un récit où les trois personnes trinitaire se donnent, se différencient et se constituent mutuellement. Peut-être que je ferai un résumé de ce qu’il dit à ce sujet dans sa théologie systématique à l’occasion.
      Merci pour les références à Lossky ! Je n’ai pas encore eu le temps de me frotter de près à la théologie orthodoxe. Je ne sais pas si je vais le réussir encore pour ma thèse, mais j’aimerais bien élargir mon horizon par la suite 🙂

      Amitiés à toi aussi!

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