Creuser avec Sagesse (Job 28)

Lecture | Job 28

La puissance de la technique humaine (vv. 1-11)

Oui, il existe un lieu pour trouver l’argent, endroit où purifier l’or. Le fer est tiré du sol, et la pierre, fondue, devient du cuivre. Sous terre, le mineur met un terme à l’obscurité, jusqu’à l’extrême limite, il fouille la pierre foncée et sombre. Il creuse un tunnel loin des lieux habités. Loin des humains, en des endroits oubliés des passants, suspendu à des cordes, il se balance. C’est de la terre que sort le pain, mais, en dessous, elle est bouleversée comme par un feu. C’est dans ses roches que se trouvent le saphir et la poussière d’or. Ce sentier souterrain, l’oiseau de proie ne le connaît pas, l’œil du faucon ne le perçoit pas. Les grands fauves n’y ont pas cheminé, le lion n’y a pas marché. Mais l’humain affronte la roche la plus dure, il remue les montagnes jusqu’à la racine. Dans le roc, il perce des galeries, il voit de ses yeux tout ce qui est précieux. Il va jusqu’à tarir les sources des cours d’eaux et il amène au jour ce qui était caché.

La sagesse reste introuvable (vv. 12-22)

Mais la Sagesse, où se trouve-t-elle ? Où demeure l’intelligence ? L’humain n’en connaît pas le prix, elle est introuvable au pays des vivants. L’abîme affirme : « Elle n’est pas en moi », l’océan primordial dit : « Elle n’est pas chez moi. » Pour elle, ce n’est pas de l’or qu’il faut donner, pour payer son prix, ce n’est pas de l’argent. L’or d’Ofir ne la vaut pas, ni la précieuse cornaline, ni le saphir. Elle ne se compare ni à l’or ni au verre, elle ne s’échange pas contre un vase d’or fin. Ne parlons même pas du corail ni du cristal. Mieux vaut acquérir la Sagesse que des perles. La topaze éthiopienne ne la vaut pas, elle ne s’échange pas contre l’or le plus pur. Mais la Sagesse, d’où vient-elle ? Où demeure l’intelligence ? Elle se dissimule aux yeux de tout vivant, elle se cache aux oiseaux du ciel. Le séjour des morts, et la mort elle-même, déclarent : « Oui, nous en avons entendu parler ! »

Dieu et la sagesse (23-28)

C’est Dieu qui en comprend le chemin ; lui, il connaît sa demeure. Parce que lui, il observe jusqu’aux extrémités de la terre, tout ce qui est dans le monde, il le voit. Quand il donnait du poids au vent et qu’il déterminait la mesure des eaux, quand il fixait une limite à la pluie et un chemin pour le grondement du tonnerre, c’est alors qu’il a vu la Sagesse et qu’il en a apprécié la valeur, il l’a examinée et il l’a établie. Puis il a dit aux humains : « Reconnaître l’autorité du Seigneur, c’est cela la sagesse, éviter le mal, c’est cela l’intelligence. »

Prédication

Cette prédication a été prononcé la première fois le dimanche 22 septembre au temple de Prangins

Diamonds are forever

Peut-être avez-vous entendu ce fait divers : le 21 août, la société Lucara a annoncé avoir trouvé l’un des plus grands diamants jamais minés : la pierre pèse un demi-kilo, tient dans la paume d’une main, a une pureté de 2492 carats et une valeur estimée à 40 millions de dollars. Deuxième diamant le plus grand jamais trouvé au monde.

Les diamants fascinent. Car le diamant, c’est ce que la terre nous semble avoir de plus précieux à offrir. Comme un don de la nature à l’être humain qui sait en apprécier la beauté, une beauté naturelle, fruit du travail immémorial de la roche en fusion. À vue humaine, le diamant ne se dégrade pas. Il reste tel qu’il est. Il ne s’altère pas. Il est pur. Dans le diamant se reflètent nos idéaux d’une vérité et d’une beauté permanente, qui ne change pas, qui reste telle qu’elle est.

Le rapport de notre culture au diamant peut paraître superficiel, irrationnel, mais il renvoie à un enjeu plus profond. Le diamant est le symbole d’un désir. Il éveille une forme de nostalgie lancinante d’un monde transparent, plein de lumière, qui ne projette pas d’ombre, qui n’occulte rien. La pureté du diamant, c’est la pureté d’un matériau qui laisse tout transparaître. On peut illustrer ce désir à l’aide d’un fameux texte de l’apôtre Paul : « À présent, nous ne voyons qu’une image confuse (opaque), pareille à celle d’un vieux miroir ; mais alors, nous verrons face à face. À présent, je ne connais que de façon incomplète ; mais alors, je connaîtrai Dieu complètement, comme lui-même me connaît. » (1 Co 13,12)

Dans ce désir se figure notre aspiration à une vie pleine, épanouie, heureuse, bonne : une vie vécue dans la lumière. Le diamant symbolise ce désir. Il est comme un rêve matérialisé, que l’on peut tenir entre ses mains.

L’ambivalence de notre savoir-faire

Pour combler son désir, l’être humain est capable de déployer des montagnes d’astuces et de compétences. Il développe des outils, des mécanismes et des machines qui lui permettent d’aller toujours plus profondément, toujours plus loin, d’atteindre des zones qui lui semblaient inaccessibles. Ce ne sont pas que des outils d’ingénierie d’ailleurs : ce sont aussi des manipulations politiques et stratégies juridiques, permettant d’accéder à des zones qui auparavant étaient encore interdites.

La vérité, c’est que les diamants sont ambivalents. Certes les diamants sont éternels, les diamants sont purs, mais ils sont aussi couverts de sang : celui des humains, celui de la terre. Et malgré le prix de son entreprise, l’humain n’arrive toujours pas à atteindre l’objet de son désir : l’éternité, la pureté, la vie entièrement traversée de lumière lui échappe toujours d’un pas – ne serait-ce qu’à cause du gouffre de la mort.

Le texte du livre de Job que nous avons entendu tout à l’heure illustre de manière tout à fait frappante cette course infinie. L’être humain recherche ce qu’il y a de plus précieux. Et il déploie des efforts monumentaux pour y arriver. Et pour un bout il semble y arriver : il semble arriver à dégager des métaux, à dompter la terre et les eaux. À faire des prouesses qu’aucun autre être vivant ne peut accomplir.

« Mais la Sagesse, où se trouve-t-elle ? » (v. 12). Pourquoi ce glissement ? Pourquoi passe-t-on des prouesses de l’art de la mine à la quête de la Sagesse ?

La solution de la Sagesse ?

C’est qu’il y a une relation entre cette quête qui mène les humains à excaver la terre, à la retourner de fond en comble, à la recherche de diamant et d’autres joyaux et ce que la Bible appelle la Sagesse. La Sagesse est la réponse au désir d’une vie bonne, heureuse, épanouie. C’est la Sagesse qui ouvre concrètement l’accès à cette vie. Les sages ont goûté au bonheur et en nous nourrissant à leur vécu, peut-être que nous aussi nous y goûterons un peu. De même, il faut écouter les anciens, car leur sagesse nous aidera à vivre bien dans ce bas monde – ils ont de l’expérience, ils savent.

Le diamant symbolise nos aspirations et nos rêves. Mais nous savons très bien que rien de matériel ne pourra réaliser ce rêve, l’accomplir. Une vie épanouie, ça ne s’achète pas, ça ne se monnaie pas. Pour la Bible, c’est la Sagesse qui nous donne accès à cette vie épanouie.

La Sagesse, on peut dire, c’est l’art de vivre heureux, l’art de bien vivre. C’est avoir une telle expérience de la vie, et un tel regard sur le monde, que l’on arrive à y trouver un goût de pureté, un goût d’éternité. C’est pour cela que la Sagesse est souvent décrite comme un chemin à emprunter. Tant que l’on demeure sur ce chemin, et bien on sera heureux. Si on le quitte, on sera malheureux. Dans le livre des Proverbes, la Sagesse dit : « Si tu m’écoutes, tu découvriras que se conduire de façon juste, équitable et droite est le chemin du bonheur ». Écoutez la Sagesse, suivez ses instructions et vous pourrez goûter la vie à laquelle aspire votre cœur. Simple, non ?

Non, pas si simple.

Le texte de Job est clair : premièrement, la Sagesse n’est pas un savoir-faire technique. Elle n’est pas dans le registre des capacités humaines. Elle est indisponible. Deuxièmement, l’être humain ne sait pas non plus se trouve cette Sagesse. Il n’y a pas de carte qui indique son emplacement. Pas de livre qui l’explique. Pas de sanctuaire pour la rencontrer.

Est-ce donc à nouveau une impasse ? On croyait avoir trouvé une voie pour atteindre le bonheur, et finalement on nous dit qu’il n’en est rien, que celle-ci ne nous est pas accessible, que l’on aura beau chercher, on ne trouvera pas ? Non, ce n’est pas aussi désespéré. Mais il faut continuer à creuser – creuser en esprit et pas en pierre.

La Sagesse se laisse voir

La Sagesse est bien réelle. Tout le monde en a une intuition. Toute la réalité reflète quelque chose de la Sagesse. Comme le texte le dit : même la mort en a « entendu parler ». Mais la Sagesse ne se trouve pas. Elle se découvre ou plutôt : elle se laisse trouver, car c’est elle qui vient à qui sait lui faire de la place. « Quand Dieu donnait du poids au vent et qu’il déterminait la mesure des eaux,quand il fixait une limite à la pluie et un chemin pour le grondement du tonnerre, c’est alors qu’il a vu la Sagesse et qu’il en a apprécié la valeur, il l’a examinée et il l’a établie. » (Job 28,25-27)

Dieu voit la Sagesse et la Sagesse se donne à voir. La sagesse fait face à Dieu. Dieu crée et lorsqu’il crée, il découvre quelque chose qu’il n’avait pas prévu, auquel il ne s’attendait pas. La Sagesse. Certes, il va lui faire de la place, la valoriser : pour reprendre l’image du diamant, il va préparer un écrin qui mettra en valeur le diamant qu’il a découvert. Mais elle, la Sagesse reste une heureuse rencontre – une rencontre que Dieu partage avec le reste de sa Création.

Si la Sagesse est la voie de notre bonheur, c’est une voie qui vient à nous. Drôle d’image : non pas un chemin dont il suffit de suivre le tracé, sans virer à gauche ou à droite, mais une voie qui vient à nous. Qui nous fait face, dans la situation très concrète de notre vie, dans le lieu particulier où nous nous trouvons.

L’art difficile de vivre ancré dans la confiance

Comment vivre heureux ? La Sagesse, en tout cas celle qui fait fait à Dieu, n’offrira pas de réponse universelle, générale à cette question. Elle offre plutôt une relation. La Sagesse n’est pas disponible. Mais elle appelle notre disponibilité. Elle appelle à la confiance.

Et ce n’est pas une confiance toute simple : c’est une confiance qui dit que le chemin de la vie bonne, heureuse et épanouie est déjà sous nos pieds. Que ce chemin s’offre à nous. Elle n’est pas simple, parce que cela veut dire que ce bonheur ne dépend pas de ce que nous faisons – ni de l’intensité de notre quête ou de notre recherche. Il est donné. Il est gratuit. Il est grâce.

Et cette confiance n’est pas simple, parce que beaucoup de choses dans notre vie nous appellent plutôt à ne pas faire confiance : ainsi la vie de Job, qui malgré son intégrité la plus complète, se trouve au fond du trou, à cause d’un pari stupide et orgueilleux entre Dieu et le Satan. Mais on pourrait en dire de même de la vie de Jésus, celui qui a entièrement vécu sa vie pour Dieu, qui a fait des miracles en son nom et qui meurt torturé et rejeté de tous. Si on regarde où la sagesse les a menés, le doute à sujet semble permis.

Et pourtant, l’appelle à la confiance persiste. Il persiste à la suite du matin de Pâques, à la suite de la résurrection – la manière ultime que la Sagesse a de venir auprès de nous, main dans la main avec ce Dieu qui lui fait de la place, qui l’affermit, qui l’établit dans notre vie. L’appel à la confiance persiste dans le témoignage que tant et tant de personnes donnent à la vie, à la mort et à la résurrection de Jésus – car en lui, Dieu établit la Sagesse jusque dans la dernière fibre de notre être, jusque dans le souffle le plus imperceptible qui nous traverse, et qui pourtant fait se soulever notre poitrine, une inspiration après l’autre

L’accès à la vie heureuse, bonne et épanouie se concrétise dans une vie vécue dans la confiance, confiance dans le fait que la Sagesse se tient déjà auprès de nous. Nous n’avons pas besoin de retourner la terre, le fond des océans ou de partir sur d’autres planètes pour trouver ce diamant. Il se trouve déjà là dans la respiration qui nous traverse, comme il était et est présent en Jésus-Christ lui-même.

Amen


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