Ma fille : Zélie

Ce texte est un témoignage rendu lors de la cérémonie d’adieu de notre fille, Zélie Jaillet, mort-née à 8 mois de grossesse. La cérémonie s’est tenue le 22 octobre 2021 au temple protestant de Granges-près-Marnand (VD) à 14h.

Zélie est notre fille

Elle est née le 18 octobre 2021, autour de 17h30. Elle est décédée une ou deux semaines avant. Nous ne savons pas très bien quand.

8 mois cela peut sembler trop long – trop long pour perdre un enfant après tant d’étapes, tant de moments d’incertitudes que nous appréhendions ensemble au fil des rendez-vous médicaux. Mais cela peut aussi sembler trop court : trop court pour une vie qui était en train de se promettre à nous, trop court pour la rencontre que nous étions en train de faire, et dont nous attendions la suite – avec impatience et un peu de doutes aussi.

Mais nous avons déjà toute une vie ensemble, dont nous voulons vous offrir quelques éclats.

Zélie était une fille extrêmement vigoureuse, en bonne santé. Elle avait la bougeotte. Le matin, alors qu’on somnolait encore, elle nous gratifiait d’une danse matinale qui était comme un appel qui nous était adressé, nous cherchant hors de notre sommeil – et du confort du lit. (Parce qu’on va pas se mentir : une danse matinale sur une vessie bien remplie… heureusement que les toilettes ne sont pas loin de notre chambre !). 

Ce n’était pas que le matin qu’elle nous faisait la fête : quand elle m’entendait jouer du piano, elle vibrait au rythme de mes notes. Quand on lisait ensemble la Bible le soir, elle réagissait au son de ma voix, ponctuant les phrases du texte par quelques tapotements contre le ventre de maman. Mais le plus fort c’était sans doute les moments où maman buvait son jus de fruit, avec les compléments alimentaires. Là c’était parti pour quelques twist bien intenses – qui venaient peut-être compenser toutes ces nombreuses fois où les contractions de maman réduisait son espace de vie. Zélie le réclamait à grands mouvements une fois que la vague était passée.

Ces mouvements nous ne les avons pas que subit. Nous avons aussi eu le privilège de danser un peu ensemble. Au-travers de l’haptonomie, nous apprenions un peu à nous connaître les trois. Céline et moi apprenions non seulement à la porter ensemble, mais aussi à interagir avec elle, à la guider entre nos mains, par des appels que nous voulions doux – mais qui étaient aussi un peu maladroit. Ces moments nous ont également fait découvrir l’incroyable capacité du giron de Céline, son espace et sa grandeur. 

Ces moments ont également renouvelé la douceur et la tendresse entre mon épouse et Moi. Plus de câlins, plus d’attentions aussi, plus proches le soir quand nous nous endormions ensemble. Face à son décès, c’est aussi notre vulnérabilité que nous avons exploré un peu plus loin – dans le choc et la tristesse. Et face à cette vulnérabilité c’est notre alliance qui s’en est retrouvée renforcée. Zélie ne nous aura pas séparé, elle nous a au contraire rapproché. Elle a renouvelé un bout de la relation entre nous, et ce renouvellement avait quelque chose contagieux : ce que nous vivions ensembles à trois, devient fondamental pour ce que nous voulons vivre aussi un peu avec les autres, ouvrant la porte à une vie plus attentive, plus douce – une vie que nous espérons meilleure. La vie de Zélie, jusqu’à sa mort, ouvrira le chemin à la guérison de certaines relations, notamment dans la famille.

Il y avait beaucoup de joie autour de Zélie ; en suivant sa maman elle aura mine de rien rencontré pas mal de monde – dont certains d’entre vous qui êtes présents aujourd’hui. En même temps, beaucoup de choses resterons encore et à jamais secrètes pour nous : la forme de son visage – qu’elle s’efforçait de nous cacher lors des échographies. La couleur de ses yeux, de ses cheveux et le son de sa voix.

Mais ces secrets ne masquent pas la richesse de ce que notre fille nous a donné. Zélie nous a rendu parents. Elle nous a accompagné et guidé dans ces premières étapes de cette identité et de cette vie qui sera à jamais la nôtre. Elle nous a mis sur une route où nous ne pouvons plus rebrousser chemin. Elle a préparé le terrain à celles et ceux qui vont encore venir. 

Pour tout cela nous voulons rendre grâce à Dieu : pour notre fille Zélie, pour ce que nous avons pu vivre ensemble, pour la marque qu’elle nous laisse après son départ. C’est avec confiance que nous voulons la remettre entre les mains du Père, là où, à la fin nous nous retrouverons tous et toutes, dans une lumière que nous ne faisons qu’apercevoir par éclats – des éclats que Zélie a partagé avec nous durant notre vie commune.

Granges-près-Marnand, le 22 octobre 2021


Cette création est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Paternité 4.0 International.

Pour des associations liées au deuil périnatal en Suisse romande:

2 réflexions sur “Ma fille : Zélie”

  1. Zélie, Seigneur, gravée sur les paumes de tes mains, portée, emportée, dans tes mains. Pleures-tu ? Pleures-tu avec ceux et celles qui pleurent, une maman, un papa,… ceux et celles qui pleurent avec eux ? Je le crois et, en toute humilité et avec pudeur, je le leur dis. Dans mon impuissance. Impuissance partagée. Ton impuissance ? Vulnérabilité ! Élio te rend grâce. Céline. .. Et je te rends grâce, moi aussi, pour les hommes et les femmes qui comme lui, elle, eux, elles, en ces moments d’épreuve et d’infinies tristesse peuvent te rendre grâce. Partager leurs larmes. Te rendre grâce. Larmes grâce.

  2. Bouleversé par votre témoignage magnifique, je rends grâce au Seigneur de vous avoir accordé sa Paix en pareils circonstances, moments d’épreuves incommensurables…ceux de perdre un être bien-aimé juste avant qu’il montre le bout de son nez! Oui, bien chers parents, un grand merci de nous avoir fait la grâce, le bonheur de partager votre impuissance, mais tout à la fois la puissance du Seigneur, sa consolation dans l’épreuve . Puisse-t-il nous faire également Grâce dans nos difficultés et le remercier de sa magnifique promesse, celle d’être tout les jours avec nous jusque à la fin du monde! Quel précieux réconfort! Merci Seigneur pour ta venue en ce soir de Noël, instant que nous allons bientôt fêter et vivre ensemble dans la joie. Amen

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