Table des matières
Lectures | Nouvelle Français Courant
Genèse 8,20-22
Noé bâtit un autel pour le Seigneur. Parmi les grands animaux et les oiseaux, il prit une bête de chaque espèce considérée comme pure et il les offrit au Seigneur sur l’autel en sacrifice entièrement consumé par le feu. Le Seigneur respira l’odeur agréable de ce sacrifice et il se dit : « Désormais je renonce à maudire le sol à cause des êtres humains. C’est vrai, dès leur jeunesse ils n’ont au cœur que de mauvais penchants. Mais je renonce désormais à détruire tout ce qui vit comme je viens de le faire. Tant que la terre durera, les semailles et les moissons, la chaleur et le froid, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront jamais. »
1 Pierre 2,4-10
Approchez-vous du Seigneur, la pierre vivante rejetée par les êtres humains, mais choisie et précieuse aux yeux de Dieu. Laissez-vous bâtir, vous aussi, comme des pierres vivantes, pour construire un temple spirituel. Vous y formerez une communauté de prêtres appartenant à Dieu, vous lui offrirez des sacrifices spirituels, qu’il accueillera avec bienveillance par Jésus Christ. Car il dit dans l’Écriture :
« Voici que je place en Sion une pierre d’angle ; je l’ai choisie, elle est précieuse, et celui qui met sa foi en elle ne sera jamais déçu. » (Esaïe 28,16)
Cette pierre est d’une grande valeur pour vous, les croyants ; mais pour les incroyants, comme le dit l’Écriture :
« La pierre que les bâtisseurs ont rejetée est devenue la pierre d’angle. » (Psaumes 118,22)
Et ailleurs, il est dit encore :
« C’est une pierre qui fait trébucher, un rocher qui fait tomber. » (Esaïe 8,14)
Ces personnes trébuchent parce qu’elles refusent d’obéir à la parole de Dieu, et c’est ce qui devait leur arriver.
Mais vous, vous êtes la lignée choisie, la communauté royale de prêtres, la nation qui appartient à Dieu, le peuple qu’il a fait sien. Il vous a appelés à passer de l’obscurité à son admirable lumière, afin que vous alliez annoncer ses œuvres magnifiques. Autrefois, vous n’étiez pas un peuple, maintenant vous êtes peuple de Dieu ; autrefois, vous étiez privés de bonté, mais maintenant la bonté de Dieu vous a été accordée.
Evangile selon Matthieu 5,14-16
C’est vous qui êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le porte-lampe, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière brille ainsi devant les gens, afin qu’ils voient vos belles œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux.
Prédication
Cette prédication a été prononcé pour la première fois au temple réformé de Villars-sous-Yens le 6 juillet 2025.
Une série sur 1 Pierre
Durant ces deux dernières semaines, j’ai proposé quelques méditations sur la vie chrétienne : la première autour de la joie et de la source qui permet de nourrir cette joie, la deuxième autour de l’appel à la sainteté, comme une manière de nous placer dans la créativité divine, dans la lutte et la résistance face à ce qui vient distordre la relation que Dieu a avec ses créatures (le mal, le péché, la mort).
Cette semaine je vais me concentrer sur un troisième point, qui se rapporte à la mission qui est la nôtre comme Église de Jésus-Christ, comme chrétiens et chrétiennes.
Habituellement quand on parle de la mission, on cite volontiers ces versets bien connu de la fin de l’évangile selon Matthieu : « Allez, faîtes des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. » (Mt 28,19-20a) « Faire des disciples », « baptiser », « enseigner » – à vos ordres mon commandant ! Dit comme ça, ça paraît tout simple non ?
Mais aujourd’hui j’aimerais vous proposer un autre texte, toujours dans la première lettre de Pierre : « Vous servirez à construire la maison de l’Esprit Saint. Vous formerez une communauté de prêtres saints, pour offrir des sacrifices spirituelle, que Dieu acceptera à cause de Jésus-Christ […] Vous êtes le peuple que Dieu a choisi pour annoncer les grandes choses qu’il a faites. » (v. 5 et 9 PDV).
Nous sommes une nation de prêtres, un « sacerdoce royal ». C’est la même déclaration que Dieu a fait au peuple d’Israël, sur les versants du mont Sinaï, alors qu’il venait de les libérer de l’esclavage et qu’il s’apprêtait à se lier à eux, à faire alliance. La première lettre de pierre rejoue ici sur ce moment fondateur de l’histoire du peuple élu, ce moment où le peuple reçoit sa tâche, sa raison d’être dans le monde : être une nation sainte, un peuple de prêtre dans le monde.
L’auteur de la première lettre de Pierre veut nous parler du point où tout commence, de l’origine de l’Église, du moment dans lequel nous trouvons notre identité comme chrétiens, le moment où nous recevons notre propre mission – une mission qui se situe dans la continuité de celle dévolue au peuple élu, tout en la renouvelant.
Que font des prêtres ?
Cette mission est liée à la prêtrise : nous sommes appelés à être prêtres. Entrons dans les détails de ce que ça pourrait vouloir dire.
Dans l’antiquité, les prêtes ont un certain nombre de tâches à leur actif : ils sont des référents en matière de pureté, ils peuvent entrer en contact avec le sacré, ils parlent avec les dieux, soignent leurs effigies, s’occupent le temple, ils font parfois des divinations, etc. Leur rôle, c’est de gérer les activités liées au divin et au sacré. Une activité qui se trouve au centre de leur cahier des charges, c’est le sacrifice – un autre terme central dans le texte que nous avons entendu. Être prêtre, c’est réaliser des sacrifices.
Quand on parle de sacrifice dans notre culture, on imagine une transaction : le sacrifice désigne le prix à payer pour accéder à quelque chose. Je suis prêt à sacrifier un peu de mon temps, ou de mon argent, pour une bonne cause, un achat que je veux faire, pour faire plaisir à quelqu’un, etc. Le sacrifice fonctionne comme une transaction économique. Ce n’est pas tout à fait comme cela que ça marche dans l’antiquité : ou tout du moins, cette perspective est trop restreinte.
Dans l’antiquité, le sacrifice assure la permanence du lien entre le monde des dieux et le monde des vivants. Le sacrifice permet d’entrer en contact avec le divin, d’honorer sa présence. La meilleure image est sans doute celle du repas : le sacrifice est le moment où l’on partage le repas avec la divinité et la consommation des offrandes, le fait qu’elles soient brûlées par exemple, est comme une manière de signaler que la divinité a pris part au repas, qu’elle a pris sa place à table, qu’elle est présente parmi nous – et que nous pouvons en conséquence bénéficier de sa présence. C’est pour cela que les sacrifices sont quotidiens : parce que c’est tous les jours que le peuple dépend des bénédictions que lui accorde la divinité. Certains sacrifices ont pour rôle de manifester la purification ou de réparation d’un tort commis. Mais là aussi, c’est plus large qu’une simple transaction : le sacrifice c’est le moment de la communion, où le divin est présent au peuple et vice-versa.
L’offrande avec laquelle je viens (les animaux, les fruits de la terre, l’argent) vise à honorer la présence des hôtes : comme la bouteille de vin que j’apporte quand je viens à un repas. Ou simplement les bons vœux que j’adresse à celles et ceux qui m’ont invité. Le sacrifice concerne la relation entre la divinité et son peuple, une relation qui relève d’une logique du don et de la surabondance. Je veux le dire simplement le sacrifice c’est ce que nous donnons en signe de reconnaissance d’un bien que nous avons déjà reçu. Et dans la culture antique, le prêtre est celui qui permet à ce don de se réaliser.
Jésus-Christ appelle pour sa part à un recentrement du sacrifice : il voit bien comment tout le système qui s’est organisé autour du temple détourne en fait le sacrifice de son sens initial, qui est de manifester la reconnaissance envers Dieu. Il suffit de penser à l’épisode des marchands du temple.
Alors vient cette idée du sacrifice spirituel : le sacrifice spirituel n’est pas un sacrifice immatériel, mais un don qui s’enracine dans l’œuvre de l’Esprit-Saint. Il devient ce que nous donnons dans l’Esprit du Christ – et la première lettre de Pierre renvoie à différentes choses : l’amour mutuel, le don de soi, la contribution au bien commun. Mais ce choses ne sont pas comme telle un sacrifice spirituel. Ce n’est pas parce qu’on contribue au « bien commun » qu’on réalise son sacrifice spirituel. Ce sacrifice est spirituel lorsqu’il manifeste les œuvres merveilleuses de Dieu. Il est spirituel parce qu’il relève uniquement du don, parce que nous n’attendons rien en retour, parce qu’il est un pur acte de reconnaissance à l’égard de Dieu, qui nous a tout donné.
Qui est prêtre / prêtresse ?
L’accès à cette prêtrise n’est plus limité par l’appartenance à une famille, ou à une caste : elle est ouverte à toutes celles et ceux qui mettent leur confiance en Jésus-Christ et dans celui qui l’a relevé d’entre les morts.
La prêtrise du peuple d’Israël est fondée dans la libération du peuple hors d’Égypte. La prêtrise des chrétiens est-elle fondée dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus, qui élargit la libération à l’ensemble des peuples de la terre, à toute la Création. Dans la foi, nous découvrons que notre liberté, la vie éternelle, la joie, la sainteté nous sont données, et reconnues gratuitement, dans la vie de cet homme.
Les sacrifices que nous apportons devant Dieu, rappelle au monde que c’est de cette gratuité que nous vivons. Ils montrent au monde où la vie trouve sa source : dans cet amour infini, dans ce don sans conditions. Et ces sacrifices nous pouvons les faire partout où nous nous vivons : dans notre vie de famille, dans notre travail, dans nos engagements divers et variés, dans notre cheminement personnel. Le temple où nous réalisons notre sacrifice, c’est notre personne, c’est nous-mêmes et les situations dans lesquelles nous nous trouvons – parfois avec d’autres croyants, parfois comme seul chrétien, mais toujours avec l’aide de Dieu.
Alors j’aimerais vous y encourager, à trouver dans votre quotidien ces moments où vous amenez votre bouteille à la table de Dieu – où le moment présent, quel qu’il soit, devient la fête de la reconnaissance gratuite vécue avec Dieu. Parce que vous êtes prêtres et prêtresses de ce Dieu, pour le monde, pour la joie de son salut.
Amen
Sur ce site vous trouverez d’autres messages dans la rubrique Prédications, messages et exégèses