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Lectures
Esaïe 42,5-7
Celui qui a créé les cieux et les a déployés, qui a étendu la terre avec sa végétation, qui a donné la vie à ses populations et qui anime ses habitants, Dieu, le Seigneur, déclare à celui qu’il a choisi : « Moi, le Seigneur, je t’ai appelé par fidélité à moi-même. Je te donne mon appui. Je t’ai formé pour faire de toi le garant de mon alliance envers le peuple, la lumière du monde. Tu rendras la vue aux aveugles, tu feras sortir les prisonniers de leur cachot, tu retireras de leur prison ceux qui attendent dans l’obscurité. »
Lettre aux Éphésiens 5,15-20
Ainsi prenez bien garde à votre manière de vivre. Ne vous conduisez pas comme des personnes insensées mais comme des sages. Saisissez toutes les occasions qui se présentent à vous, car les jours que nous vivons sont mauvais. Ne soyez donc pas déraisonnables, mais efforcez-vous de comprendre ce que le Seigneur attend de vous. Ne vous enivrez pas de vin : il mène à un comportement malfaisant ; mais soyez remplis de l’Esprit saint. Encouragez-vous les uns les autres par des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés par l’Esprit ; chantez des cantiques et des psaumes pour louer le Seigneur de tout votre cœur. Remerciez Dieu le Père en tout temps et pour tout, au nom de notre Seigneur Jésus Christ.
Jean 14,12-21
Oui, je vous le déclare, c’est la vérité : celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je vais auprès du Père. Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Fils manifeste la gloire du Père. Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.
Si vous m’aimez, vous obéirez à mes commandements. Je demanderai au Père de vous donner quelqu’un d’autre pour vous venir en aide, qui sera avec vous pour toujours : c’est l’Esprit qui révèle la vérité. Le monde ne peut pas le recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le connaît. Vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure avec vous et qu’il sera toujours en vous. Je ne vous laisserai pas seuls comme des orphelins ; je viendrai auprès de vous. Dans peu de temps le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez, parce que je vis et que vous vivrez aussi. Ce jour-là, vous comprendrez que je vis uni à mon Père, que vous êtes unis à moi et moi à vous. Celui qui reçoit mes commandements et leur obéit, voilà celui qui m’aime. Celui qui m’aime sera aimé par mon Père ; je l’aimerai aussi et je me ferai connaître à lui. »
Prédication
« Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais et de plus grandes encore »
Ce verset m’étonne à chaque fois que je le lis ou que je l’entends. Jésus-Christ, celui qui apporte la vie dans le monde, celui avec qui et en qui tout s’accomplit, le Seigneur de l’Univers visible et invisible, nous dit : vous ferrez ce que j’ai fait. Et vous ferez des choses encore plus grandes.
Dans un premier temps, dans l’évangile selon Jean, on peut penser aux différents signes que Jésus a réalisés durant son ministère : transformer l’eau en vin, nourrir les foules avec trois fois rien, des guérisons, ou encore la résurrection de Lazare. Mais par-delà l’aspect extraordinaire, surnaturel, de ces signes, on peut résumer ce que Jésus a fait de la manière suivante : « donner la vie éternelle » ou « sauver le monde ». Et tout cela, Jésus ne le fait pas par lui-même, mais c’est le Père qui est en lui, qui fait ce qu’il fait (Jn 14,12). Ce que Jésus a fait, c’est manifesté Dieu dans le monde, sa vie et donc son salut – manifester sa présence, sans lui-même chercher à prendre la place de Dieu, mais en étant son serviteur, son envoyé comme le dit l’Évangile.
Voilà que Jésus nous dit que nous aussi, lorsque nous croyons en lui, nous faisons cela : nous aussi nous manifesterons la présence vivante de Dieu dans le monde, nous aussi nous sommes les témoins de ce partage de la vie éternelle.
Et tout en disant cela, Jésus indique que nous ferons de plus grandes œuvres encore que ce qu’il a fait. Nous ne ferons pas moins que ce que Jésus a fait. C’est une chose. Mais nous ferons encore autre chose que ce que Jésus a fait. Quelque chose de nouveau et d’imprévisible ! Et c’est l’un aspects principaux de cette fête de l’Ascension : le fait que Dieu nous fait de la place pour nous, pour notre singularité, pour qui nous sommes nous, pour que nous participions nous aussi à son œuvre de salut pour le monde. Rien que ça.
En un sens, l’appel que Dieu adresse à son Serviteur s’adresse à nous aussi : « Je t’ai formé pour faire de toi le garant de mon alliance envers le peuple, la lumière du monde. Tu rendras la vue aux aveugles, tu feras sortir les prisonniers de leur cachot, tu retireras de leur prison ceux qui attendent dans l’obscurité. » (Es 42,7)
Qu’est-ce que ça veut dire de prendre notre part à nous dans l’œuvre du salut ?
Pour aujourd’hui, il me semble qu’il faut mettre deux choses en avant : 1) premièrement que nous devons toujours découvrir à neuf ce que ça veut dire pour nous de faire l’œuvre du Père dans le monde ; en même temps, 2) Jésus nous a donné un commandement qui nous oriente dans cette découverte. Je veux reprendre ces deux points.
Se disposer à la découverte
Notre œuvre à nous, nous devons encore la découvrir. Il ne peut s’agir de simplement répéter ce que Jésus a fait. C’est pour cela qu’il dit que nous ferons des œuvres encore plus grandes.
Il me semble que c’est pour cela que l’évangile selon Jean est étonnamment peu précis pour ce qui concerne la manière de vivre. Contrairement à Paul, il ne propose pas de catalogue des choses à faire ou à ne pas faire. Jean n’est pas complètement évasif, mais reste très ouvert sur la forme concrète que doit prendre la vie chrétienne. Et en même temps, si je me permets de prolonger cette allusion à Paul : lui-même n’offre pas de catalogue universel.
Ses propositions sont toujours liées à des situations concrètes, aux problématiques locales qu’on lui rapporte. Le passage de l’épître aux Éphésiens que nous avons entendu me semble bien indiquer la posture que les premiers chrétiens adoptent : « Ne vous conduisez pas comme des personnes insensées, mais comme des sages. Saisissez les occasions qui se présentent à vous ! » (v. 15) « Ne soyez donc pas déraisonnable, mais efforcez-vous de comprendre ce que le Seigneur attende de vous. » (v. 17) C’est à nous de discerner ce qu’il nous revient à faire ici et maintenant, pour manifester la vie éternelle. C’était le premier point.
Ecouter le commandement
Jésus nous dit de garder ses commandements – qui se résume en fait en un commandement nouveau – le commandement qui résume l’œuvre de Dieu accomplie en Jésus-Christ. Il faut revenir un tout petit peu en arrière dans l’évangile : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Il faut que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. Si vous avez de l’amour les uns pour les autres, alors tous sauront que vous êtes mes disciples. » (Jn 13,34-35)
Ce commandement suit le lavement des pieds, comme exemple de la posture que les disciples sont appelés à entretenir les uns par rapport aux autres dans l’amour – qui n’est autre que la posture que Jésus a lui-même habitée, manifestant ainsi la posture de Dieu lui-même à l’égard du monde.
Il ne s’agit pas ici de rédupliquer simplement l’acte. Il s’agit de le méditer, de le garder auprès de notre cœur, pour que nous soyons prêts à être dans l’amour au moment où nous aurons à faire ce que nous seuls pouvons faire. C’est à la fois une posture qui nous requiert chacun pour soi, dans notre propre singularité, mais c’est aussi une posture que nous développons ensemble – parce que nous nous savons engagés mutuellement dans une même méditation de ce commandement.
Nous aurons à découvrir chacun pour nous ce qu’aimer veut dire concrètement. Mais nous nous sommes liés les uns aux autres par cette méditation et l’attente de découvrir quelle sera notre œuvre, notre manière de partager la vie éternelle dans le monde – et nous savons que l’amour nous oriente fondamentalement sur autrui et sur Dieu.
Être en Christ, c’est entretenir cette double disposition à la découverte de l’œuvre de Dieu qu’il nous revient de réaliser et à la méditation commune du commandement de Jésus.
Arrogants ?
Qui sommes-nous au fond pour prétendre pouvoir manifester l’œuvre de Dieu dans le monde ? Est-ce que nous ne nous mettons pas une pression impossible en faisant cela ? Méditer l’amour mutuel peut en effet devenir une espèce de vigilance malsaine et scrutatrice, qui ne voit que l’insuffisance de nos actes, de notre vie et non l’œuvre de Dieu.
C’est pour cela que cette promesse demeure : sur ce chemin de découverte, nous pouvons faire appel au nom de Jésus-Christ, celui qui se tient pour toujours auprès de Dieu pour nous. Un avocat éternel de notre cause auprès de Dieu. Christ auprès de Dieu et l’Esprit-Saint en nous.
Nous avons aussi la promesse que nous le verrons à nouveau : différemment sans doute que les disciples ont pu le voir à l’œuvre durant sa vie sur terre – mais lui se rendra toujours présent, viendra nous sauver de notre propre désespoir, nous libérer de nos propres aveuglements. Nous ne serons pas laissés seuls, orphelins sur le bord de la route.
Car même s’il nous fait de la place, même s’il y a quelque chose qu’il nous revient à nous de faire et pas lui, lui ne nous lâche pas. Il continue à nous aimer, à partager sa vie, à manifester l’œuvre de Dieu dans nos vies – à nous ouvrir les yeux.
Amen
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