Table des matières
Lectures | Nouvelle Français Courant
Genèse 17,1-8
Quand Abram eut quatre-vingt-dix-neuf ans, le Seigneur lui apparut et lui déclara : « Je suis le Dieu souverain. Vis toujours en ma présence et sois intègre. Je vais établir mon alliance entre toi et moi et te donner un très grand nombre de descendants. » Abram se jeta face contre terre et Dieu reprit : « Voici à quoi je m’engage envers toi : tu deviendras l’ancêtre d’une multitude de peuples. On ne t’appellera plus Abram, mais Abraham, car je ferai de toi l’ancêtre d’une multitude de peuples. Je t’accorderai un si grand nombre de descendants qu’ils constitueront des peuples entiers ; il y aura même des rois dans ta postérité. Je maintiendrai mon alliance avec toi, puis, après toi, avec tes descendants, de génération en génération, pour toujours : ainsi je serai ton Dieu et celui de tes descendants après toi. À toi et à tes descendants, je donnerai le pays où tu séjournes en étranger, tout le pays de Canaan. Il sera leur propriété pour toujours et je serai leur Dieu. »
1 Pierre 1,3-9
Bénissons Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Dans sa grande bonté, il nous a fait naître à une vie nouvelle, en ressuscitant Jésus Christ d’entre les morts. C’est pour que nous ayons une espérance vivante, en attendant l’héritage que Dieu réserve aux siens. Cet héritage ne peut être ni détruit ni sali et il ne peut pas perdre son éclat. Dieu vous le réserve dans les cieux, à vous que sa puissance garde par la foi, en vue du salut prêt à être révélé au moment de la fin.
Débordez de joie, même s’il faut que, maintenant, vous soyez attristés pour un peu de temps par des épreuves de toute sorte. L’or lui-même, qui pourrait être détruit, est pourtant éprouvé par le feu ; de même votre foi, beaucoup plus précieuse que l’or, est mise à l’épreuve afin de prouver sa valeur. C’est ainsi que vous recevrez louange, gloire et honneur quand Jésus Christ se révèlera. Vous l’aimez, même sans l’avoir vu ; vous mettez votre foi en lui, même sans le voir encore ; c’est pourquoi vous débordez d’une joie inexprimable, déjà glorieuse, car vous atteignez le but de votre foi : le salut de votre être !
Jean 10,27-30
« Mes moutons écoutent ma voix ; je les connais et ils me suivent. Je leur donne la vie éternelle, ils ne seront jamais perdus et personne ne les arrachera de ma main. Ce que mon Père m’a donné est plus grand que tout et personne ne peut rien arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes un. »
Prédication
Cette prédication a été prononcé pour la première fois au temple réformé de St-Prex le 22 juin 2025.
Une série sur 1 Pierre
Nous vivons une période curieuse – nous avons d’une certaine manière à réapprendre ce que ça veut dire d’être chrétien aujourd’hui : chaque génération a dû le faire, mais ce qui est particulier pour nous, c’est que nous sortons d’une période où « être chrétien » était une espèce d’évidence sociale, partagée par tous et toutes dans notre canton.
Avec cette prédication et les deux prochaines, je propose de nous plonger dans quelques « fondamentaux » de la vie chrétienne.
La première lettre de Pierre est intéressante pour faire cela. Elle a été écrite à une période où les premières communautés chrétiennes essayaient de trouver leur place dans l’Empire. Elles l’ont fait non pas dans une perspective de replis, en s’isolant ou en se cachant, mais dans une perspective d’ouverture et de participation à la vie du monde.
Ancré dans la joie
Une des « marques de fabrique » de cette première communauté est la joie : une joie débordante. Une joie « indicible » et « glorieuse » comme le dit la première lettre de Pierre. Malgré les « souffrances » bien réelles que le monde inflige aux personnes qui se disent chrétiennes, celles-ci rayonnent d’une manière que rien ne peut étouffer – c’est ce que semble affirmer l’auteur de la lettre.
Cette joie n’est pas une illusion, une autosuggestion – elle s’ancre dans quelque chose qui nous dépasse. La joie c’est quelque chose qui nous saisit entièrement. Lorsque nous sommes dans la joie, nous le sommes entièrement. C’est pleinement nous. Et en même temps, cette joie a son origine en dehors de nous. Nous ne sommes pas tout seuls avec cette joie. C’est une joie que nous partageons dans le corps de l’Église, mais aussi avec l’ensemble de la Création – et finalement avec Dieu lui-même.
Sur quoi s’appuie cette joie ?
Pour la suite de ce message, je veux aborder l’ancrage de cette joie – depuis où est-ce que l’on vit comme chrétien ? Qu’est-ce qui est à la source de cette joie ?
Cette question se pose, parce que cette joie n’a en fait rien d’évident. On ne peut pas la réduire à un simple plaisir – même s’il peut tout à fait y avoir du plaisir ! La première lettre de Pierre est claire : la communauté est « attristée par diverses épreuves » (v. 7). La communauté vit des situations qui contredisent la joie, qui posent comme un voile de tristesse sur leur vie.
Chercher à mettre des mots sur le fondement de la joie, c’est alors indiquer ce qui ressource cette joie, ce qui fait qu’elle est plus rayonnante que toutes les vexations que l’on peut subir du fait d’être chrétien, qu’elle n’est pas simplement livrée aux aléas de l’histoire
Notre héritage : quèsaco ?
Je crois que c’est de cela que parle le verset que j’ai mis en exergue pour cette prédication : l’auteur de la lettre parle d’un héritage que Dieu a réservé « aux siens », un héritage qui ne peut être altéré. Il reste intègre, ne perd pas de sa valeur ni de son éclat.
L’image de l’héritage est forte. Elle nous indique un bien qui nous revient de plein droit. Dans nos cultures on lie souvent l’héritage au moment du décès : une part de ce qui appartenait à une tierce personne nous revient à nous au moment où celle-ci ne peut plus en profiter. L’héritage est hautement réglementé par le droit de succession. Avec l’héritage nous nous retrouvons dans une chaine de personnes – celles qui nous précèdent, celles qui nous suivront.
De quoi est-il donc question ici ?
La terre promise
Dans la tradition biblique, l’héritage est abordé essentiellement dans le cadre de la relation entre Dieu et le peuple qu’il s’est choisi parmi les nations, le peuple élu. L’héritage porte ici essentiellement sur une chose : la terre promise – une terre qui fait couler beaucoup de sang. La terre c’est le fait d’avoir un lieu où l’on peut vivre et grandir. Un territoire à cultiver, un lieu où s’abriter, un lieu de liberté et non d’esclavage.
Mais dans le texte biblique, cette terre n’est justement pas disponible : elle est promise. Pour vous qui avez été déporté, pour vous qui êtes partis en exil, pour vous qui marchez sur les routes du monde, sans avoir de cité qui vous appartienne, il y aura un lieu pour vous.
L’héritage ce n’est pas la terre : c’est la promesse qu’il y en aura une. La promesse ne nous oriente pas sur quelque chose qui serait disponible, mais sur quelque chose qui doit encore se passer, qui doit encore advenir.
Le royaume
Avec Jésus-Christ, cette promesse s’élargit du peuple d’Israël à tous celles et ceux qui se lient à lui dans la confiance. Paul utilise cette idée qu’en Christ nous sommes adoptés par Dieu, intégré dans la lignée du peuple élu – ce qui nous fait participer à son héritage (Galates 4,5).
En Christ, le sens de la terre promise se précise : il ne s’agit pas simplement de posséder un territoire que l’on pourra administrer de manière souveraine. Il s’agit de la promesse d’une vie possible, une vie libre, heureuse, entière, malgré les échecs, la mort et les servitudes infligés par les aléas de l’histoire. Une vie qui commence dans le périmètre de Jésus de Nazareth, mais qui l’excède, le dépasse lui-même : une vie que les textes du Nouveau Testament appellent le « royaume ». C’est non seulement une terre qui est promise, mais aussi une certaine manière de pouvoir y vivre.
La vie éternelle
L’évangile selon Jean va le plus loin : ce qui est promis, c’est que nous devenions nous-mêmes porteurs de la vie éternelle, d’une vie débordante et généreuse – parce que par son Esprit, Dieu vient faire sa demeure au milieu de nous, au cœur de notre vie, comme il l’a fait en Jésus-Christ.
Résumé
La promesse d’une terre pour vivre, d’un royaume de liberté, du don de la vie éternelle. La première lettre de Pierre parle sobrement de notre salut (v. 9). Ce mot bien chargé, mais qui maintenant gagne peut-être un peu en contenu.
L’héritage qui ne peut être altéré, c’est cette promesse : que nous aurons un lieu pour vivre, que nous pourrons vivre pleinement, que nous-mêmes deviendrons une source de vie – parce que Dieu, le créateur, vient au plus proche de nous.
Je découvre l’héritage dans l’histoire de Jésus
Notre héritage, c’est la promesse que le salut viendra. Et c’est sur cet héritage que peut s’appuyer, se ressourcer notre joie – que celle-ci trouve son principe d’existence.
Maintenant vous vous dîtes peut-être que ça vous fait une belle jambe d’être héritier d’une promesse. La promesse manque de concrétude, d’assurance. La promesse vaut quelque chose que si celui qui l’a fait s’avère être fiable.
Dieu tient-il sa promesse ? Est-il fiable ? À cette question, la communauté chrétienne répond oui – elle se risque à cet acte de confiance.
La résurrection de Jésus, la résurrection de celui qui a été crucifié est le signe que Dieu a posé dans le monde, pour montrer qu’il se tient à sa promesse – même là où apparemment il n’y avait qu’un grand échec, une grande déception, un grand refus. C’est le signe que Dieu reste avec nous jusqu’au bout, pour ouvrir des possibilités de vie insoupçonnées – que rien n’est si perdu, si éloigné, ou altéré au point de ne pouvoir être au bénéfice de la promesse. Avec la résurrection, Dieu montre que rien ne nous coupe de cet héritage.
C’est pour cela que nous méditons la vie de Jésus, pour que nos yeux et nos cœurs s’ouvrent à la réalité de cet héritage, à la promesse qui nous est encore et toujours adressée.
« Dans sa grande bonté, l’Éternel nous a fait naître à une vie nouvelle, en ressuscitant Jésus Christ d’entre les morts, afin que nous ayons une espérance vivante » (1 Pierre 1,3) voilà la source et le fondement de cette joie chrétienne. Celle des premières communautés – celle qui nous est promise à nous aussi.
Amen
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