La loi – un cadeau (Dt 30,15-20)

Deutéronome 30,15-20 (NFC)

Regarde : aujourd’hui je place devant toi la vie et le bonheur d’une part, la mort et le malheur d’autre part. Mets en pratique ce que je t’ordonne aujourd’hui. Aime le Seigneur ton Dieu. Suis le chemin qu’il te trace. Obéis à ses commandements, à ses lois et à ses règles. Ainsi tu vivras, tu te multiplieras. Le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays dont tu vas prendre possession. Mais si tu te détournes de lui, si tu lui désobéis, si tu adores d’autres dieux, alors tu disparaîtras complètement. Je vous préviens dès aujourd’hui ; vous ne resterez pas longtemps dans le pays dont tu vas prendre possession au-delà du Jourdain.

Oui, je vous avertis solennellement aujourd’hui, les cieux et la terre m’en sont témoins : je place devant toi la vie et la bénédiction d’une part, la mort et la malédiction d’autre part. Choisis donc la vie et tu vivras, toi et ta descendance. Aime le Seigneur ton Dieu ! Écoute sa voix ! Reste-lui fidèlement attaché. Alors tu vivras et passeras de longues années dans le pays que le Seigneur a promis de donner à tes ancêtres Abraham, Isaac et Jacob.

Evangile selon Luc 15,11-32 (NFC)

Jésus dit encore : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de notre fortune qui doit me revenir.” Alors le père partagea ses biens entre ses deux fils. Peu de jours après, le plus jeune fils vendit sa part de la propriété et partit avec son argent pour un pays éloigné. Là, il vécut dans le désordre et gaspilla ainsi tout ce qu’il possédait. Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à manquer du nécessaire. Il se mit donc au service d’un des habitants du pays, qui l’envoya dans ses champs garder les cochons. Il aurait bien voulu se nourrir des fruits du caroubier que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait. 17Alors, il se mit à réfléchir sur sa situation et se dit : “Tous les employés de mon père ont du pain en abondance, tandis que moi, ici, je meurs de faim ! Je veux repartir chez mon père et je lui dirai : Père, j’ai péché contre Dieu et contre toi, je ne suis plus digne que tu m’appelles ton fils. Traite-moi donc comme l’un de tes employés.” Et il repartit chez son père.

Tandis qu’il était encore assez loin de la maison, son père le vit et il fut bouleversé : il courut à sa rencontre, le serra contre lui et l’embrassa longuement. Le fils lui dit alors : “Père, j’ai péché contre Dieu et contre toi, je ne suis plus digne que tu m’appelles ton fils…” Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus bel habit et mettez-le-lui ; passez-lui une bague au doigt et des chaussures aux pieds. Amenez le veau bien gras et tuez-le ; nous allons faire un festin et nous réjouir, car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et je l’ai retrouvé.” Et ils commencèrent à faire la fête.

Pendant ce temps, le fils aîné de cet homme était aux champs. À son retour, quand il approcha de la maison, il entendit un bruit de musique et de danses. Il appela un des serviteurs et lui demanda ce qui se passait. Le serviteur lui répondit : “Ton frère est revenu, et ton père a fait tuer le veau bien gras, parce qu’il a retrouvé son fils en bonne santé.” Le fils aîné se mit alors en colère et refusait d’entrer dans la maison. Son père sortit pour le supplier d’entrer. Mais le fils répondit à son père : “Écoute, il y a tant d’années que je te sers sans avoir jamais désobéi à l’un de tes ordres. Pourtant, tu ne m’as jamais donné même un chevreau pour que je fasse la fête avec mes amis. Mais quand ton fils que voilà revient, lui qui a dépensé entièrement ta fortune avec des prostituées, pour lui tu fais tuer le veau bien gras !” Le père lui dit : “Mon enfant, toi tu es toujours avec moi, et tout ce que je possède est à toi. Mais nous devions faire une fête et nous réjouir, car ton frère que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et le voilà retrouvé !” »

Prédication

Cette prédication a été prononcé la première fois le dimanche 23 mars 2025 au temple de Prangins

Vivre bien, vivre heureux

« J’ai placé devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que vous viviez toi et tes descendants ». Cela peut ne pas paraître intuitif, mais l’un des enjeux principaux du livre du Deutéronome, c’est le bonheur. Un bonheur que Dieu veut pour nous et que nous découvrons avec lui.

Pour le Dieu d’Israël, le bonheur n’est pas réservé à celles et ceux qui ont les moyens de se l’offrir. Il est promis à tous ceux avec qui Dieu se lie, avec qui il fait alliance – dans la stabilité, comme dans la précarité. Car le livre du Deutéronome porte en lui les espoirs et les expériences d’un peuple qui a fait l’expérience de l’Exile, qui a tout perdu. Mais il porte aussi les espoirs et les expériences d’un peuple qui a (re)trouvé une terre sur laquelle vivre et prospérer.

Ce bonheur n’est pas le privilège des uns ou des autres. Il est offert au peuple dans son ensemble. Et le livre du Deutéronome offre une orientation claire quant à la source de ce bonheur: le bonheur, la vie heureuse, se trouve dans l’écoute de la voix de Dieu. La voix qui fait la différence entre la Vie avec un grand « V » et la mort, avec un grand « M ».

Le cadeau de la Loi

 En parlant à son peuple, en faisant résonner sa voix, Dieu donne sa Loi. La Loi rassemble différentes choses : des règles (rituelles, sociales, éthiques), des directives, des chartes, des procédures, des codes juridiques. La Loi est composée de ce genre de choses, dont le texte biblique dit qu’il faut les « garder » : c’est-à-dire, les consulter, les respecter, se mettre à leur école.

Il y a deux types de posture que Dieu attend de celles et ceux qui gardent sa Loi : (1) L’écoute et (2) le cheminement.

L’écoute signifie une disponibilité intérieure. Quand je me mets à l’écoute, je m’arrête pour percevoir quelque chose : ici la Parole de vie que Dieu m’adresse au-travers du don de sa Loi. Dans la posture d’écoute, je suis prêt à être touché, affecté par ce que je vais percevoir.

 La posture du cheminement est une manière d’entrer dans une dynamique, celle de la transformation que je peux vivre en écoutant la Loi. En écoutant cette Loi j’évolue, je me déplace et me retrouve plus tout à fait au même endroit. Je change.

En donnant sa Loi, Dieu offre une voie pour arpenter le chemin de Vie. Lorsque j’écoute la Loi ou que je chemine sur ses traces, je me place dans cette situation où je me laisse transformer par ce que Dieu donne, pour que je puisse vivre – et non seulement (sur)vivre : vivre heureux, vivre entier, vivre dans la bénédiction.

Jusqu’ici je suis un peu parti du principe que cette idée que la Loi est un cadeau est évidente, qu’elle devrait nous parler. Mais à bien y réfléchir, l’idée de la Loi comme d’un cadeau est un peu une étrange idée. Une idée qui peut d’ailleurs paraître suspecte : qu’est-ce que je suis en train d’essayer de vous refourguer ?

Cette question serait bien légitime vu le sujet. Mais elle en suppose en fait une autre : qui êtes-vous en train d’écouter ? À qui prêtez-vous l’oreille, lorsque vous vous mettez à l’écoute de la Loi de Dieu, celle qui nous promet une vie heureuse. Cette question est importante, elle touche au cœur du don de la Loi. Selon la réponse que nous donnerons à cette question, nous nous retrouvons sur les sentiers de la mort et non de la vie.

L’image que nous avons de Dieu

En effet, le don de la Loi peut être compris de différente manière. Prenons une phrase : « Choisis la vie ». Suivant comment l’on dit cette phrase, on ne dit pas tout à fait la même chose.

(Joueur) « ha, si j’étais toi, je choisirais la vie ! ». Dieu fait résonner sa voix dans le bazar. Il nous offre quelque chose de bon, à nous de ne pas manquer l’offre !

(Désespéré) : « Mais bon sang, choisis la vie ! ». Dieu voit, impuissant, les désastres qui s’accumulent si l’on ne suit pas les indications données. S’il n’arrive pas à nous convaincre, c’est la catastrophe assurée.

(Autoritaire) : « Choisis la vie ! » Dieu commande et nous avons à obéir. Il n’y a pas d’alternative : si nous ne suivons pas ses ordres, nous en paierons le prix.

C’est sans doute cette dernière version que nous avons le plus à l’esprit lorsque nous pensons à ce Dieu du Deutéronome, à ce Dieu de la Loi qui parle depuis le haut des montagnes.

Dieu ordonne et nous aurions simplement à nous soumettre. Dieu sait ce qui est bon pour nous. Plus que cela : c’est Dieu qui nous dit ce qui est bon pour nous et si nous ne le suivons pas, nous aurons à en subir les conséquences : la punition, le malheur, la mort.

Ici, la Loi est un cadeau qui prend la forme d’une ceinture que l’on serrait autour de son poing pour battre ses enfants – ou sa femme. Car, comme le dit le livre des Proverbes : «l’Éternel châtie celui qu’il aime, comme un père l’enfant qu’il chérit. » (Pr 3,11 – Segond 1910).

Une image qui a fasciné et fascine toujours notre civilisation. Une image dont il faut être libéré. Afin de pouvoir goûter au bonheur.

Et c’est bien ce que veut faire Jésus avec le récit du Père et de ses deux fils : Le Père accourt vers le fils cadet, avant même que celui-ci se soit repentit d’avoir gaspillé tout son héritage. L’accueil royal qu’il réserve à ce fils n’est pas du tout à la mesure de ce que celui-ci a fait contre son père : le quitter et gaspiller son héritage. Le père est tout entier dans la tendresse et dans la joie pour ce fils, cet enfant,qui est revenu d’entre les morts.

Une autre image semble habiter le fils aîné, plein d’amertume et d’esprit comptable. Il semble voir en son père un maître avar de ses biens et sourcilleux de l’obéissance qu’on lui accorde : « Voici tant d’années que je te sers, n’ignorant aucun de tes commandements ; et tu ne m’as même pas donné un bouc pour que je puisse me réjouir avec mes amis ! ».

Jésus est tout à fait clair : le fils aîné ne reflète pas l’identité de Dieu. Si nous voyons en Dieu un maître autoritaire, sévère et sourcilleux, Dieu montre pour sa part un tout autre visage : généreux, heureux, aimant, soucieux de la vie de ses enfants, même de ceux qui sont tombés sous le règne de la mort.

Écouter avec joie et confiance

« J’ai placé devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que vous viviez, toi et ta descendance » (Dt 30,20)

Ce que Dieu offre dans la Loi n’est pas une menace. S’il y a une menace, elle vient du chaos indistinct auquel Dieu répond par le don de la vie : la sienne. La Loi est l’offre de Dieu pour ce monde. Mais la Loi elle-même n’est vivante que par l’Esprit qui anime celui ou celle qui se met à son écoute.

Et c’est d’ailleurs cela l’un des enjeux principaux du fait de « garder les commandements » : on garde les commandements lorsque l’on se met à l’écoute, lorsque l’on entend la voix du Dieu qui aime, du Dieu généreux, du Dieu prodigue, du Dieu de l’excès de bonté, du Dieu qui précède le pécheur sur le chemin de sa repentance, que l’on entend donc la voix de ce Dieu dans la Loi que des générations et des générations ont transmis, mis par écrit, formulé et reformulé selon le discernement du moment.

Garder les commandements, garder la Loi ne veut pas dire l’appliquer aveuglement. On tomberait à côté de son sens. Il s’agit bien plutôt de la méditer, de s’exposer à la faille profonde qu’elle vient placer dans notre monde, une faille qui différencie la vie et la mort, et de laisser cette méditation donner forme à notre vie et notre action – de découvrir la Loi que Dieu donne pour aujourd’hui.

Faire cela, c’est bel et bien recevoir la Loi comme un cadeau, celui que Dieu veut offrir à celles et ceux avec qui il s’est lié, la recevoir avec joie et confiance. Parce que le Dieu qui donne cette Loi est le même Dieu qui précède celui qui n’a pas réussi à la garder, pour le prendre dans ses bras, lui rendre son intégrité.

La Loi n’est impitoyable que si nous décidons qu’elle doit l’être. Mais ce n’est pas là la décision de Dieu pour nous, et ce n’est pas pour cela qu’il a offert sa Loi au monde. La décision de Dieu pour nous, c’est la Vie, donnée en abondance, avec excès et générosité. C’est cela que Jésus essaie encore et toujours de nous apprendre, c’est cela que nous sommes appelés à écouter, le chemin que nous sommes appelés à emprunter avec confiance.

Amen


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