Table des matières
Lectures
Ézéchiel 36,24-28
En effet, je vous prendrai du milieu des populations et des lieux où vous vous trouvez, je vous rassemblerai et vous ramènerai sur votre terre. Je verserai sur vous de l’eau pure qui vous purifiera ; oui, je vous purifierai de toutes vos souillures et de toute votre idolâtrie. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’enlèverai votre cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon Esprit, je vous rendrai ainsi capables d’obéir à mes lois, d’observer et de pratiquer les règles que je vous ai prescrites. Alors vous habiterez dans le pays que j’ai donné à vos ancêtres ; vous serez mon peuple et je serai votre Dieu.
Evangile selon Jean 20,19-23
Le soir de ce même dimanche, les disciples étaient réunis dans une maison. Ils en avaient fermé les portes à clé, car ils craignaient les autorités juives. Jésus vint et, debout au milieu d’eux, il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après ces mots, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus répéta : « La paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Après cette parole, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit saint ! Ceux à qui vous pardonnerez les péchés seront pardonnés ; ceux à qui vous refuserez le pardon ne l’obtiendront pas. »
Prédication
Cette prédication a été prononcé la première fois le dimanche 27 avril 2025 au temple de Prangins
Le Christ a rejoint les siens, même là où ils avaient tout abandonné, où repliés sur eux-mêmes ils n’attendaient plus rien du monde – et peut-être même de Dieu. Enfermés dans une maison, comme dans une prison – loin d’un monde qui s’était montré trop dangereux, trop agressif. Invivable. Et là, alors que les portes sont fermées à double tour, le voilà qui apparaît, portant sur lui les marques de sa mort violente, mais vivant – et à profusion.
C’est ce que Jésus a fait tout du long de sa vie : toute sa vie il est venu là où il ne semblait y avoir plus d’espoir, où il ne semblait y avoir rien à faire, là où l’on avait abandonné la bataille de la vie, là où l’on avait abandonné autrui à des forces qui le dépassaient. Il est venu dans les lieux de mort et là, il a porté la présence de Dieu, son Royaume, son salut. Avec lui, la liberté des enfants de Dieu a recommencé à briller au milieu des décombres.
Et alors que le peuple de Dieu et l’empire ont voulu condamner le Christ au silence, qu’ils ont voulu l’enfermer dans le royaume des morts, le faire taire à jamais, alors que ses bourreaux l’ont placé à la place la plus sombre et la plus désespérée, d’où personne ne revient, emmuré dans l’oubli, voilà que tout s’est renversé. Car, cette oubliette où il a été placé, hé bien c’était exactement le lieu où Jésus a toujours été appelé à se rendre : auprès des mal-portants, des pécheurs, des ennemis, des exclus, des morts. Et voilà que la puissance créatrice de Dieu, l’amour débordant de vie, est venue ficher son étendard au cœur de la haine, de la non-vie, de la mort étouffante et aliénante. Cette victoire est irréversible. À jamais.
Et que se passe-t-il alors ? Hé bien la même chose que ce qui se passe dans cette maison où les disciples se sont enfermés : Dieu donne sa paix, son Esprit, son alliance, il défait les liens de mort et ouvre des liens de vie, il nous fait prendre part à son règne, non : à sa royauté. Regardons tout cela de plus près.
Je vous donne ma paix
Dieu donne sa paix. Ce n’est pas simplement la fin de la guerre entre lui et ses ennemis. C’est le don d’une vie pleine et épanouie. Pour le peuple élu, c’est la promesse du retour au pays : une terre où l’on peut vivre sans risquer la famine, sans craindre l’oppression, ou les familles séparées par l’Exil se retrouvent enfin. Pour les disciples, c’est de pouvoir sortir de la maison, dans les rues, les villes et les villages, ou il n’y a plus à craindre la précarité, les autorités, ou l’on peut joyeusement vivre l’enseignement prodigué par le maître.
C’est la paix donnée par le ressuscité à celles et ceux qu’il rencontre. Évidemment que cette paix n’est pas la paix du monde. C’est une paix bien plus ancienne, une paix qui se trouve à la racine de toute chose, une paix primordiale, mais qui en même temps va encore dévoiler sa plénitude : une paix qui anime jusqu’aux cellules de notre corps, qui plonge dans les secrets de notre intériorité et s’étend dans les moindres fibres de nos relations.
Il souffla l’Esprit sur eux
Dieu donne son Esprit. L’Esprit, c’est le souffle créateur. C’est avec l’Esprit qu’il donna vie à la terre inerte. C’est par l’Esprit que le chaos primordial devint vie foisonnante et riche, imprévisible dans ses beautés et sa résilience.
Par l’Esprit Dieu fait des choses nouvelles. Il crée et recrée : il fait que ce qui était mort et inerte, vive et vive pleinement ! C’est l’Esprit qui, au milieu de la mort, fait jaillir la vie – un miracle toujours renouvelé. Un vrai miracle !
Cet Esprit, c’est le sien, qu’il donne, qu’il déverse avec prodigalité sur le monde, jusque dans ses moindres recoins, plis et replis, pour le faire vivre, sans rien retenir, sans demander de contrat ou de garantie. La pierre transformée en chair vivante, pulsante de renouveau.
Et cet Esprit est contagieux : il ne reste pas à un endroit. Il se déplace, traverse le monde, accompagne toute vie et le précède tout à la fois sur les chemins d’une révolution inarrêtable.
Dieu donne son alliance
Dans son Esprit, comme dans sa paix, Dieu se lie à nous. Et en se liant à nous, il nous change – et lui aussi, en fait. Nous sommes avec lui et lui avec nous, maintenant et pour toujours.
Les cœurs de pierre sont des cœurs morts, des cœurs déliés de Dieu, de son esprit, de sa paix. Des cœurs retournés au silence, des cœurs inertes, craintifs, incapables de vivre la prodigalité, la générosité, la nouveauté créatrice, l’inattendu qui vous prend par surprise et fait naître la joie.
Les cœurs de pierre ne peuvent ni entendre ni partager la vie que Dieu donne. L’histoire le montre à répétition. La Loi donnée par Dieu a son peuple, le cadeau qui est le fruit de cette alliance, se transforme en une arme contre le prochain, contre le peuple, contre la création, contre Dieu lui-même. Le cœur de pierre utilise le don de Dieu comme une arme. Le cœur de chair reçoit le don et se réjouit de la vie qui s’écoule de ce don – parce qu’avec son alliance Dieu lui-même est au cœur de la chair.
Dieu donne son règne
Dans le don de sa paix, de son esprit, dans le don de son alliance, Dieu donne sa royauté. Dieu ne s’est pas réservé la vie. Il n’a pas gardé le secret de sa recette. Dieu n’a pas placé de brevet sur la vie. Ce sont les cœurs de pierre qui créent des brevets à tout-va, verrouillant la moindre innovation, la moindre découverte. Dieu n’est pas roi qui place une chaine sur son domaine, ses sujets, son trésor. Il est roi en partageant tout ce qui fait sa royauté.
« Ceux à qui vous pardonnerez les péchés seront pardonnés ; ceux à qui vous refuserez le pardon ne l’obtiendront pas » (Jean 20,23) Le ressuscité donne ce qui revient à Dieu seul : le pouvoir du jugement, le pouvoir de lier une personne ou de la délier. Cette prétention, celle de pouvoir pardonner les péchés, a d’ailleurs été l’une des raisons de la mise à mort de Jésus ! Comme un blasphème implicite, un signe que la personne se prend pour Dieu. Et pourtant, c’est bien cela que le ressuscité place entre les mains de celles et ceux à qui il a donné sa paix, qu’il a rejoints par son esprit, auxquels il s’est lié.
Les cœurs de pierre voient l’économie du pardon comme un outil de puissance. Les cœurs de chair comme la seule vie vivable, la vie donnée en partage à celles et ceux à qui le pardon était refusé.
Les témoins du ressuscité se retrouvent ainsi avec cette royauté en partage – mais cette royauté, cette royauté-ci et pas une autre.
Dans l’histoire de Dieu et de son peuple, les cœurs de chair, les cœurs libérés de la servitude et du poids de la mort, ces cœurs sont aussi toujours les cœurs qui se sont rigidifiés, qui sont devenus inertes, durs et prompts à retenir le pardon.
Alors Dieu s’est donné, encore et encore, jusqu’à ce point où il est entré dans la mort et y a établi l’étendard de son règne. Et nous ne reviendrons pas en deçà de ce don.
À celles et ceux qui sont restés terrés chez eux, terrassés par la peur et la tristesse, à celles et ceux qui sont enfermés, avec des chaines autour de leur vie et de leur cœur, Dieu leur donne sa paix, son esprit, son alliance, sa royauté. Le ressuscité est venu chez eux, vient chez eux, viendra chez eux.
Voici le témoignage de l’Église au lendemain de Pâques. Voici la promesse qui résonne dans le monde jusqu’à la fin des temps, jusqu’au dernier renouvellement, jusqu’à ce que Dieu soit tout en tous.
Le ressuscité a donné sa paix. Le ressuscité a donné son Esprit. Le ressuscité a donné son alliance. Le ressuscité a donné sa royauté en partage. Et il le fera encore.
Rien ni personne ne peut mettre le verrou sur ce don. Et si nos cœurs s’avèrent trop durs pour entendre cette promesse – alors sachez que Dieu n’aura de saisir de venir se placer au cœur de notre prison, derrière toute porte scellée. « Je retirerai le cœur de pierre et vous donnerai un cœur de chair ».
Amen
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