Communication pascale (I) – La thèse

Dans ma recherche de thèse je m’attèle à une compréhension théologique de la « spiritualité ». J’explore ce que l’on pourrait dire quand on parle de « spiritualité » en protestantisme. Ceci m’amène à me confronter à ce que différents acteurs (institutionnels et théologiques) disent quand ils parlent de « spiritualité ». Je me suis aussi frotté à des parties de la tradition dogmatique protestante. Ces deux geste se complètent afin de construire une compréhension systématique de ce terme.

Ma proposition est la suivante : en théologie chrétienne protestante, « spiritualité » pourrait vouloir dire, « communication pascale ». Le corrélât est que « spiritualité » veut dire « Evangile ».

Ma proposition contient une dimension normative. Je propose une manière de comprendre ce dont on parle en milieu protestant quand on parle de « spiritualité ». Je le fais dans la perspective d’encourager un usage théologiquement plus responsable de ce terme, tout en sachant que l’exercice n’a de sens que dans la confrontation des points de vue.

C’est le début du chemin

Dans ce qui suit je vais me contenter de mettre en évidence les différents éléments de la thèse, ainsi que son caractère théologique.

Les éléments de la thèse

En tant que protestant, quand je parle de spiritualité, je parle de communication pascale, ce qui veut dire que je participe de l’Evangile.

Spiritualité

Spiritualité est un terme que je considère dans une perspective émique. Il ne s’agit pas d’une catégorie analytique, mais d’un terme utilisé par les acteurs d’un milieu circonscrit. Le terme « spiritualité » plonge ses racines dans la tradition chrétienne. Il a également profité d’un regain d’intérêt à partir des années 60 du siècle passé, surtout en milieu anglo-saxon. C’est au niveau de l’investissement et de la construction de cet usage en milieu chrétien que mon propre travail se situe.

Je tiens à remercier Yann Fanti, étudiant en sciences des religion à la FTSR (UniL) grâce à qui j’ai découvert les travaux de la sociologue Nancy Ammerman. Je recommande la lecture de son article « Spiritual but not religious? Beyond binard choices in the study of Religion », Journal for the scientific study of religion, 52 (2), 2013, pp. 258-278.

Effectivement qu’en tant que catégorie analytique « spiritualité » n’est pas opérant, au sens où il y aurait matière à distinguer objectivement entre « religion » et « spiritualité comme deux domaines séparés. Elle doit être considéré premièrement comme une catégorie propre à un champ religieux spécifique et à ses interactions avec d’autres systèmes culturels – comme dans le cadre du spiritual care par exemple.

Evangile

Evangile est un terme grec tiré du langage biblique et de la tradition chrétienne. Il est utilisé tant dans les épîtres pauliniennes, que dans les évangiles. On le trouve aussi utilisés à certains endroits dans l’Ancien Testament, par exemple comme substantif en 2 Sam 4,10 LXX, ou comme verbe en Joël 3,5 LXX. On le traduit volontiers par Bonne Nouvelle.

Une étude de Maximilian Paynter présente ce terme comme un élément central de la rhétorique paulinienne. Voir son ouvrage Das Evangelium bel Paulus als Kommunikationskonzeption, Tübingen, Narr Francke Attempto, 2017.

C’est bien en tant qu’élément de la communication paulinienne que ce terme peut, par la suite, devenir un élément central de la « religion » chrétienne et de la théologie qui l’accompagne. Cela se concrétise dans la constitution du genre littéraire « évangile » (cf. Mc 1,1).

Communication pascale

Communication pascale est un concept. Ce syntagme désigne dans ma recherche la compréhension systématique du terme « spiritualité » en fonction de son usage. Quand on parle en théologie protestante de « spiritualité » – que l’on désigne par ce biais un ensemble de discours et des pratiques ou un aspect de l’existence humaine et/ou non-humaine – on parle de la réalisation de la communication pascale, c’est-à-dire, de la réalité concrète de l’Evangile.

Communication désigne un certaine phénomène d’interaction. Pascale est un adjectif, qui lie la notion de communication à un ensemble de récits et de pratiques transversal à différentes traditions religieuses. Cet ensemble est central pour la constitution de la tradition chrétienne en général.

Ma construction de ce concept est fortement influencée par la lecture de l’ouvrage du jésuite François Durand, vicaire général du diocèse de Mende, Le témoignage du ressuscité. Contribution à une théologie fondamentale de l’expérience pascale, Namur, Lessius, 2016.

Il s’est profilé lors de mes différentes études comparées de la théologie de Karl Barth (1886-1968) et de Friedrich Schleiermacher (1768-1834).

Le caractère théologique de la thèse

Le discours chrétien sur la « spiritualité » organise la réalité d’une certaine manière. Au sein du champ religieux, il vise à regrouper et à délimiter un certain nombre d’éléments avec une intention spécifique. Dans et par ces éléments, a lieu un accomplissement. Celui de l’existence humaine, mais aussi celui du cosmos compris comme création.

Cet accomplissement n’est pas un accomplissement à tous prix. C’est un accomplissement qui trouve ses traits spécifiques par l’expérience de « Dieu » donnée dans la figure de Jésus-Christ. Cette figure se donne elle-même dans et par l’Evangile.

La « spiritualité » est la forme de vie de cet accomplissement déterminé. L’accomplissement est à la fois advenu, présent et encore à venir. Parler de « spiritualité » c’est participer de cet accomplissement. C’est dire le chemin que l’on parcourt et ainsi le faire apparaître, pour pouvoir encore le parcourir.

Le discours théologique « sur » la spiritualité participe lui-même de cet accomplissement. En mettant en avant la notion de communication pascale, il présente réflexivement la dynamique dont il participe. De cette manière, il contribue au mouvement de l’Evangile.

Dans cette perspective, « théologie », « religion », « spiritualité » et « Evangile » sont fortement articulés, mais ne sont pas à confondre.


Cet article fait partie d’une série d’articles intitulée « Communication pascale ». Il est susceptible d’être modifié en fonction de l’évolution de la série.

Pour lire plus loin :

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1 réflexion sur “Communication pascale (I) – La thèse”

  1. Accomplissement, oui, mais en tant que commencement.

    Pâques, oui, mais aussi la Pâque (juive).

    Spiritualité chrétienne en théologie protestante, oui, mais judéo-chrétienne.

    Évangile, oui, mais alliance, voire alliances,
    donc aspiration universaliste, sans confessionnalisme …
    création, Noé, Moîse, …

    Christianisme oui, mais humanisme, enfin, et peut-être d’abord humanisme.
    Humanisme, la paix, comme passage incontournable à « l’écospiritualité ».
    La guerre, la logique de guerre, première source de la destruction de la nature …
    Christianisme sociale, justice sociale, d’abord, que ça plaise ou déplaise.
    Et je le dis en tant que libéral.

    Merci, cher Elio.

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